Le syndrome stellaro-zodiacal en Astrologie par Jacques Halbronn
Rien n’est plus difficile à appréhender que l’absence. Inversement, rien n’est plus facile que de pratiquer des omissions impunément. Parmi les critiques portées contre l’astrologie, il en est une que l’on entend rarement : que faites-vous des étoiles ? Le public ne tique pas quand on lui parle des planétes et que l’on tait les étoiles et pas plus quand on lui dit que le Zodiaque, ce ne sont pas des étoiles mais quelque chose qui s’articule sur les quatre saisons.
D’ailleurs, même les astrologues sidéralistes ne parlent pas vraiment des étoiles, se contentant de déclarer que leur zodiaque est décalé. Si on leur demande quelle est l’étoile qui est le point de départ de leur zodiaque « sidéral », ils ne savent pas répondre, ayant oublié la genèse de leur propre démarche. Or, si le décalage existe, – ce que cette école ne dit pas explicitement, laissant croire que c’est un décalage (ayanamsa) au niveau du point vernal, ce qui est absurde puisque le dit point n’est pas censé correspondre à une quelconque étoile – c’est bel et bien sur la base des étoiles fixes dont la position a glissé avec le temps, du fait de ce qu’on appelle la précession des équinoxes.
En fait, il faut comprendre que le zodiaque est un substitut aux étoiles fixes. Il ne faut pas confondre le «zodiaque » avec l’écliptique. Il y a aussi beaucoup de confusion, plus ou moins délibérée à ce sujet. Certains ont tendance à parler du Zodiaque comme s’il s’agissait d’une réalité en soi, indiquant que c’est l’espace céleste parcouru par les luminaires et les planétes, avec une certaine latitude (8°30) de part et d’autre de l’écliptique (on note que Pluton déborde largement de la norme en question). En fait, le Zodiaque vient se substituer à une série d’étoiles (astérismes), introduisant une continuité là où il y a discontinuité, des « secteurs », là où il y a des points. Or, toute la théorie des aspects fondée sur un rapport « ponctuel entre planétes et étoiles. Le fait qu’une planète entre dans un nouveau signe est dépourvu de sens et le changement de signe est une étrange réplique de l’étoile, qui ne correspond à aucune réalité céleste.
A cela, on se contente de répliquer que cela « marche », ce qui donne une idée de la qualité du débat.
Cette déstellarisation de l’astrologie contribue à l’isoler encore plus contrairement à ce qu’imaginent de nombreux astrologues qui croient pouvoir avoir la conscience tranquille en se démarquant des dites étoiles, lesquelles n’appartiennent pas au système solaire et sont bien plus éloignées de la Terre que les planétes, et ce en dépit de leur visibilité remarquable.
On est frappé de devoir noter, en effet, à quel point il est question des étoiles fixes dans les représentations socioreligieuses et pas seulement en Egypte avec Sirius (Sothis) dont le lever héliaque (montée de l’étoile en compagnie du soleil, on pourrait dire en conjonction) annonçait la crue du Nil. Dans la Bible, Dieu se réfère aux étoiles et non aux planétes, sans oublier évidemment les luminaires (Soleil-Lune). Les planétes sont les grandes absentes des deux testaments alors que les étoiles ont droit de cité, ce qui peut s’expliquer par la découverte relativement tardive du phénoméne planétaire. Mais prenons le cas de Claude Lévi-Strauss, dans Le Cru et le cuit (Mythologiques I) Ed .Plon, 1964. Reed. 2009 La quatrième partie s’intitule « L’astronomie bien tempérée ». Les références stellaires surabondent dans les exemples donnés. (pp. 203-287) concernant diverses sociétés « traditionnelles ». Or, l’astrologie actuelle est totalement étrangère, de par son positionnement, à tout ce monde stellaire et en revanche s’intéresse fortement à des astres inconnus et invisibles jusqu’au XVIIIe siècle, ce qui engage l’astrologie sur la pente glissante d’astres agissant à l’insu de l’Humanité, ce qui est une énormité stratégique qui met l’astrologie en porte à faux avec son propre passé tant planétaire que stellaire…
Il faut rappeler par ailleurs (cf. de précédents articles, sur le site grande-conjonction.org, rubrique « Astres ») que les étoiles fixes étaient associées aux dieux de la mythologie, souvent une étoile se présentait comme une combinaison de deux divinités, l’une d’elle étant dominante et ce, bien entendu, sans rapport avec des planétes liées à ces mêmes dieux, ce qui ne viendra que plus tard. C’est parmi les dieux associés aux étoiles que l’on puisera pour baptiser les planétes. Manilius, entre autres, témoigne (Ier siècle de notre ère) de cette tendance en associant aux 12 signes telle ou telle divinité dont plusieurs ne correspondaient à aucune planète. (dans le poème latin de l’Astronomicon).
On peut donc parler d’un certain déracinement de l’astrologie actuelle dont l’œuvre d’un Jean-Pierre Nicola est probablement une expression remarquable, lui qui voulait ancrer pleinement l’astrologie dans le système solaire, pris dans sa globalité (jusqu’à Pluton compris), ce qui sera le substrat du RET (classement des planétes en trois groupes de trois, plus la Lune, le soleil faisant partie d’un groupe (R) avec Mercure et la Lune et ainsi de suite)
Pour nous, l’articulation planète-étoile est absolument incontournable et correspond à une dualité qui n’est pas sans évoquer le processus de pollinisation entre insectes (planétes) et fleurs (étoiles), entre le mobile(en grec, planta, errant) et le fixe.
Il importe peu qu’étoiles et planétes n’appartiennent pas astronomiquement à un seul et même ensemble. Ce qui compte pour nous, c’est la façon dont les sociétés humaines ont entendu instrumentaliser le cosmos, dans une certaine transparence, c’est-à-dire une dimension de visibilité générale, accessible à tous les observateurs, collectivement.
C’est dire que la question des étoiles est une pomme de discorde entre l’astrologie actuellement en vigueur et celle que nous entendons restaurer. Les uns font alliance avec la communauté astronomique, de façon d’ailleurs unilatérale, c’est-à-dire sans aucun consensus de la part des astronomes et les autres font alliance avec les anthropologues et avec les tenants d’un certain inconscient collectif qui n’a que faire de la légitimité qui serait accordée par les astronomes, à leur corps défendant. (cf. notre entretien sur teleprovidence avec Daniel Kunth, Salon du Livre 2013).
Pour comprendre ce qu’il faut bien appeler un schisme, il faut tenir compte des motivations qui conduisent les uns et les autres à s’intéresser à l’astrologie. Il est probable qu’en profondeur les astronomes et ces astrologues accrochés à leurs basques aient beaucoup en commun, sur le plan psychologique, l’astrologie apparaissant comme un pis aller. Ce sont des gens qui se méfient du fait social, des constructions juridiques, structurelles élaborées par les sociétés, les religions.. Ils préfèrent s’accrocher à du solide, c’est-à-dire à quelque chose qui ne reléve pas de l’initiative humaine. Que l’astrologie soit une « invention » des hommes leur est insupportable. En fait, ils ne croient pas aux hommes, ils ne les prennent pas au sérieux, ne les croient pas capables de créer leurs propres programmes. Ils préfèrent, à la limite, supposer que les sociétés anciennes ont su « décrypter » les signes cosmiques, sans que l’on sache trop comment ils seraient parvenus pour produire une telle usine à gaz, où tout est si terriblement intriqué et interdépendant.
Pour notre part, tout au contraire, nous pensons que les sociétés humaines ont très tôt été capables de produire des systèmes, des structures, des langages et de s’y conformer (cf. notre ouvrage Mathématiques Divinatoires, Paris, Ed. Trédaniel-La Grande Conjonction, 1983, préface de Jean-Charles Pichon), comme l’ a bien montré Lévi-Strauss.. Nous ne pensons pas, en revanche, qu’il faille traiter l’être humain comme une machine que l’on pourrait du jour au lendemain perfectionner, en la faisant profiter de quelque nouvelle découverte scientifique. Ces astrologues « scientistes » jouent la carte de la Techno-science de façon caricaturale, ce qui dénote une relation biaisée avec la société humaine. On est avec ces gens- là à cent lieux d’un humanisme au sens où on l’entendait à la Renaissance.
Ce qui crée quelque confusion dans l’appréhension de cette famille d’astrologues tient à leur étonnante insistance sur la vocation de l’astrologie à décrire l’individualité. Mais, cette contradiction apparente s’explique fort bien car elle correspond à un manque que l’on cherche à pallier en produisant une astropsychologie conférant à chacun son « moi » de synthèse, en fait une sorte de double que l’on peut contempler à l’extérieur de soi-même, visualiser, ce qui est aux antipodes de l’’exploration du monde intérieur au sens de la philosophie et de la psychanalyse. Le thème astral serait une sorte de machine (de prothèse) à explorer les profondeurs du psychisme à la façon du bathyscaphe de Cousteau. On ne sort pas du fantasme techniciste et mécaniciste, qui est l’expression d’un certain desséchement/assèchement du psychisme qui conduit à ne pas accorder à l’Humanité la faculté de s’autoprogrammer au fil des siècles, des millénaires.Ces astrologues, quelque part, et leurs alliés astronomes –meme s’ils ne s’entendent guère entre eux, ce qui n’empeche pas étrangement les astronomes de se croire autorisés à écrire sur l’astrologies (notamment dans la série des Que sais-je aux PUF, avec P. Couderc, Philippe Zarka & Daniel Kunth), nous appparaissent comme viscéralement hostiles à l’idée d’une créativité humaine dans le domaine de l’organisation – au sens plein du terme- de leur environnement social. D’ailleurs, l’idée même de thème natal conduit, de façon fantasmatique, à concevoir des sortes de « monades » échappant à toute contrainte collective, avec un temps humain émietté.
Il est vrai, reconnaissons-le, que l’existence de l’Astrologie pose problème. Comment aura été mis en place ce qu’en astrologie conjonctionnelle nous appelons la phase « babélique »I, celle de la construction d’une tour imposant à l’Humanité une unité factice- qui est comme une sorte de Big Brother. L’explication la plus plausible, dans l’état actuel de nos cogitations, ne renvoie nullement à un ordre « naturel » mais à l’intrusion dans l’histoire de l’Humanité de ce que la Bible appelle les Elohim (cf Jean Sendy). les « seigneurs « (Adonaï) – on notera ce pluriel étrange dans la théologie biblique (en hébreu, la finale « im » et « aî » réfère au pluriel. Autrement dit, l’astrologie, quelque soit l’angle que l’on considère, nous ramènerait à une certaine techno-science. Mais celle que nous préconisons nous renvoie à une techno-science extrêmement ancienne, limitée à l’entendement des populations archaïques alors que celle que prônent nos adversaires en astrologie se réfère à une modernité anachronique.
JHB
10 04. 13