Du fonctionnement normal des sociétés
Posté par nofim le 26 mai 2013
Le problème de nos sociétés est d’avoir fini par considérer l’exception comme la norme. De nombreux penseurs, comme Montesquieu, ont théorisé un état de société qui selon nous correspond à un dysfonctionnement. C’est ainsi que l’on préfère guérir que prévenir. On parle du médecin plus que de l’entretien du corps, on parle de cuisine plus que d’élevage ou d’agriculture. La pensée politique ne devrait pas être une façon d’entériner une certaine façon des sociétés bloquées d’exister.
A propos de l’affaire Cahuzac, le premier ministre évoque le pouvoir de la Justice. Mais la Justice n’intervient qu’en dernière instance tout comme la Médecine, tout comme le gendarme. Toutes ces interventions sont le corollaire d’échecs, d’insuffisances, de manques en amont.
Imagine-t-on une société où tout passerait par les juges, où chaque « bien portant », comme dit Knock, est un « malade qui s’ignore », où les succédanés seraient devenus la norme ?
On parle de Montesquieu mais de quelle société est-il le reflet sinon de la Monarchie Absolue du XVIIIe siècle, du temps de Voltaire ? La notion de « contre-pouvoir » n’est, selon nous, qu’un pis-aller. On est à la veille de la Révolution Française.
Penser la Cité, ce n’est pas le faire sur des bases fausses, à partir d’une société malade. C’est précisément mettre en évidence les moyens qu’une telle société utilisera en désespoir de cause pour ne pas éclater, du fait de ses insuffisances, de ses incohérences.
Dans l’affaire Cahuzac, nous n’acceptons pas que le gouvernement se défausse sur la Justice qui ne devrait intervenir qu’en cas d’urgence, c’est-à-dire quand il est déjà bien tard sinon trop tard.
Dans une société de « justes », on n’a pas besoin de la Justice, tout comme un homme bien portant n’a pas besoin de la Médecine. Seule une société malade, une personne malade sont tributaires de telles institutions. En temps normal, on ne devrait pas en arriver jusque là. Le malade est déjà en situation d’excès, d’incurie, d’échec. Le fait d’aller chez le médecin ne change rien au constat. On ne fait que limiter les dégâts. Il faut donc être bien cynique pour dire que c’est à la Justice de s’occuper du cas Cahuzac. C’est mettre un emplâtre sur une jambe de bois. On met les gens en prison quand ils ne sont pas capables de se discipliner. Mais est-ce qu’une société, dans son ensemble, peut fonctionner sur la répression, sur la contrainte extérieure ?
C’est pourquoi nous disons que l’affaire Cahuzac est le symptôme d’un dysfonctionnement et que le recours à la Justice n’est qu’une solution extrême qui ne saurait masquer un dysfonctionnement de la part du gouvernement. Mais si celui-ci se permet de tenir un tel discours qu’il croit pouvoir le disculper, c’est bien aussi parce que le fonctionnement normal des sociétés tend à devenir l’exception, ce qui est un signe de décadence. On ne cesse d’inventer des palliatifs, des gardes fous. On n’agit plus préventivement mais après coup. D’ailleurs, pour un Cahuzac qui avoue, combien de ses semblables échappent à la Justice ! Croire que ce sont les tribunaux qui vont régler tous les problèmes, c’est aberrant. Ils ne peuvent s’occuper que de cas extrêmes, quand il y a déjà eu dégradation des mentalités. Une société ne peut se fonder sur du dépannage. Imaginons que toutes les voitures que l’on fabrique tombent en panne, que tous les chauffeurs aient des accidents, il y aurait très vite saturation comme c’est le cas quand il y a des épidémies, des pandémies. Mais est-ce que le dysfonctionnement doit devenir la norme ? Montesquieu n’a pas, selon nous, décrit un fonctionnement idéal d’une société normale mais bien les recours propres à une société malade et c’est pour cette raison que ce philosophe est de nos jours à l’honneur. De la même façon, on ne décréte pas un certain ordre social de façon artificielle, comme la parité au gouvernment. C’est là une façon de forcer les choses au nom d’une pseudo-normalité.
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JHB
04. 03. 13
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