L’astrologie écartelée
Posté par nofim le 26 mai 2013
La tendance technoscientifique de l’astrologie actuelle
Par Jacques Halbronn
Quand on prend connaissance des conversations entre astrologues, en réunion ou sur Internet, on est frappé par la dimension technoscientifique en vigueur. Si l’on n’y faisait pas attention, on aurait l’impression qu’il est question du fonctionnement d’instruments de précision alors qu’il s’agit tout de même du psychisme humain. Mais, a contrario, on entend dire que l’astrologie prévoirait l’imprévisible, notion assez peu compatible avec l’univers de la techno-science.
Tout se passe comme si l’astrologie attirait des gens qui au départ sont attirés par le monde de la technique et de la science dure et qui sont assez peu à leur aise dans le domaine des sciences molles. L’astrologie serait une sorte de tentative d’OPA sur les sciences humaines par la Techno-science, ce qui suppose que l’être humain pourrait être appréhendé par elle. Cela condamne ces astrologues marqués par une telle tendance à ne pas vouloir inscrire l’astrologie comme un fait sociologique ou anthropologique. Mais en même temps, comme on le sait, ces mêmes astrologues sont rejetés par le monde de la techno-science. Cela nous fait penser à ces musulmans fondamentalistes, jihadistes, salafistes, rejetés par un Islam « modéré » qui veut s’en démarquer. Ces astrologues seraient les « ultras » de la Techno-science jusqu’à la caricature, avec leurs comptes de boutiquiers, pour qui un degré est un degré, un jour est un jour, et où à quatre minutes d’arc près, on peut changer de signe ascendant, de degré monomère, de signe lunaire voire solaire sans parler de date pour un événement, au prisme des directions primaires (ce qui est justement censé permettre de corriger une heure de naissance). Ces astrologues sont évidemment preneurs – mais c’est plus vrai dans le monde anglo-saxon d’astéroïdes (cf. notre entretien avec le québécois Mario Gamache, en décembre 2012, sur teleprovidence)
Mais quel est le champ d’action de cette astrologie par ailleurs marquée par une tradition millénaire et aux bases assez opaques ? Tout se passe comme s’il s’agissait d’une sorte d’engin hérité des siècles passés et que l’on aurait perfectionné au vu des nouvelles connaissances acquises depuis. En fait, selon nous, quand on dit qu’astrologie et astronomie ne faisaient qu’un autrefois, cela correspond à une période clef de l’histoire de l’astrologie quand l’astronomie a mis la main sur l’astrologie en revendiquant sa paternité. L’astrologie actuelle est un fantasme d’astronome, un rêve de grandeur de l’astronomie qu’elle a nourri des siècles durant jusqu’à ce qu’elle finisse par y renoncer (cf. notre entretien avec Daniel Kunth, au Salon du Livre 2013, sur teleprovidence) et dont désormais elle entend se démarquer en jurant de ses grands dieux qu’elle n’a jamais caressé de telles ambitions, encore qu’elle ait continué à user de la mythologie pour baptiser les astres découverts depuis la fin du XVIIIe siècle, perpétuant ainsi un rapport ambigu avec le milieu astrologique..
Dans nos textes, nous avons dénoncé avec la plus grande vigueur une telle invasion de l’astrologie par l’astronomie. Certes, on ne saurait nier que l’astrologie est sortie de l’astronomie, qu’elle lui a emprunté certaines de ses données. Mais cela ne concernait initialement que très peu de données, à savoir la Lune, les étoiles fixes puis Saturne, comme relais de la Lune. Un Ptolémée et sa Tétrabible témoignent au deuxième siècle de notre ère d’une emprise considérable de l’astronomie sur l’astrologie qui se perpétuera jusqu’à Kepler, au dix-septième siècle.
Au XIXe siècle, l’astrologie, notamment en France, était parvenue à s’émanciper de l’astronomie en préférant recourir à un certain occultisme mais à la fin du siècle, sous l’influence anglo-saxonne, l’astrologie retombera de plus belle sous le joug de l’astronomie, avec l’intégration de planétes inconnues de la Tradition, au-delà du « septénaire » et du Sept, sans pour autant parvenir à se réconcilier avec un milieu astronomique ayant renoncé à ses fantasmes. Les astrologues actuels, comme on l’a dit, quant à eux, n’ont pas fait le deuil d’un tel rêve de conquête. Quant aux astronomes, étrangement, ils maintiennent le lien avec l’astrologie en signant toutes sortes de traités sur l’astrologie, avec une approche critique. C’est ainsi que le premier Que Sais je sur l’Astrologie, paru au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale est du à l’astronome Paul Couderc tout comme la dernière édition, sortie au début du XXIe siècle est cosignée de deux astronomes, Daniel Kunth et Philippe Zarka. Mais on ne compte plus les astronomes qui ont donné leur avis sur l’astrologie, à l’instar d’un Brahic (cf débat sur France Inter en 1976, repris sur teleprovidence). Etrangement, c’est encore souvent aux astronomes que l’on s’adresse pour traiter de l’astrologie comme s’ils avaient la moindre compétence pour ce faire. Il est vrai que les astrologues actuels, du fait même qu’ils entretiennent un certain lien avec l’astronomie semblent légitimer le fait que les astronomes aient droit au chapitre ; puisqu’en intégrant les nouvelles planétes, ils sont contraints d’admettre que ces astres agissent en dehors de toute conscience collective de l’Humanité..Mais ce faisant ils laissent entendre que les astrologues, pendant des siècles, ont cru avoir des résultats avec un outil qui était fort lacunaire. Autrement dit, ces astrologues préfèrent jouer la carte de l’astronomie contemporaine plutôt que celle d’un inconscient collectif forgé sur des millénaires. Mais voulant le beurre et l’argent du beurre, ils ne sont pas disposés à se délester de la dite tradition, même dans ses facteurs les moins défendables au regard de l’astronomie, comme dans le cas des maitrises des planétes sur les signes.
Une telle inconséquence est également à signaler au regard des objectifs attribués par cette forme d’astrologie astronomique – « scientifique »- à leur Astrologie. C’est que l’astrologie non seulement a été envahie par l’astronomie mais aussi par la divination. On pense au partage de la Pologne en 1939, prise en étau entre fascisme et communisme. (Pacte germano-soviétique). Et là encore, une telle emprise divinatoire ne date pas d’hier. Elle a laissé ses marques sur l’astrologie dès lors qu’il s’agit de ses objectifs. On entend ainsi déclarer que l’astrologie prévoit ce qui est imprévisible, ce qui est une assez bonne définition de la divination.
Selon une démarche qui se voudrait scientifique, un tel propos est déplacé : la science ne peut prévoir que ce qui est prévisible, même si cela ne l’est qu’au vu de lois nouvellement établies. Mais en tout état de cause, rétroactivement, ce que l’on prévoit pouvait virtuellement l’être de longue date. Affirmer que l’astrologie prévoit l’imprévisible est donc une formulation pour le moins étrange. En revanche, l’on peut dire que des éléments imprévisibles peuvent interférer avec une loi.
En ce sens, si l’astrologie est une loi, il peut exister des interférences avec ses prévisions. En aucune façon, un modèle n’est en mesure de prévoir ce qui va interférer avec lui-même. Affirmer cela, c’est refuser la dualité, l’altérité. Il est donc impératif que l’astrologie définisse clairement ce qui est et ce qui n’est pas dans son champ d’application, ce que nombre d’astrologues se refusent à faire, préférant rester dans le vague, ce qui ne les empêche pas par ailleurs de revendiquer un haut degré de précision. En effet, ce qui compte pour nos astrologues actuels, en matière de prévision, c’est la datation et non pas tant ce qui va se passer. D’où des formules du type » quelque chose de grave », que ce soit en astrologie individuelle ou mondiale. Entendez, grave et imprévu. Mais n’existe-t-il pas en astrologie des prévisions prévisibles quand il s’agit du déroulement « normal » d’un cycle, ce qui comporte des stades successifs ? En fait, dans l’esprit des astrologues les plus « ultras », cela va bien au-delà du cours normal des choses. Ils puissent dans l’enchevêtrement inextricable des données astronomiques dès lors qu’on les combine entre elles, notamment par le jeu des aspects, une telle prétention à ne rien laisser échapper à travers les mailles du filet astrologico-astronomique. En effet, un cycle astrologique sera toujours susceptible d’être perturbé par un autre cycle. L’astrologie n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est agitée, nous dit-on, de toutes sorts de remous. Et c’est ce qui ferait son charme puisque comme chacun sait la réalité est elle-même quelque chose de très mouvementé et que seul un modèle alambiqué et tordu peut prétendre appréhender de façon holistique.
En conclusion, nous dirons que l’astrologie doit se méfier de ses « amis » – on connait la formule « Garde moi de mes amis, de mes ennemis, je me garde ». Ces « faux amis » de l’astrologie que sont la peste de l’astronomie et le choléra de la divination ; un tel ensemble nous fait penser à quelque hydre (de Lerne) aux multiples têtes que devait affronter tel héros antique. L’alliance que nous préconisons se situerait plutôt du côté des sciences sociales (droit, science politique, sociologie, sémiologie, anthropologie, et bien entendu philosophie etc.). Selon nous, l’astrologie se définit comme une loi (logos) articulée sur le cosmos (astro) mais au départ une loi qui n’existe que par la volonté des législateurs. Que l’on imagine que sous prétexte que le droit constitutionnel s’appuie sur le calendrier, fixe) un certain nombre d’années un mandat électif, d’aucuns viennent affirmer que les astronomes ont voix au chapitre dans le bon déroulement des élections. Que l’on imagine que sous prétexte que l’on doive désigner des élus pour diriger le pays, certains devins et autres augures ne s’imposent, ne s’interposent pour choisir ceux-ci.
Il importe, donc, que l’astrologie retrouve ses marques. Si l’astronomie et la divination ont laissé leur empreinte sur l’astrologie, il importe de relativiser sensiblement l’importance qu’il convient de leur accorder. L’astrologie ne se réduit pas à de telles « sources ». Il faut se méfier de telles résurgences, de tels télescopages. L’astrologie est un humanisme au sens où elle est une création collective de l’Humanité, fixant ses propres lois. Elle n’a que faire d’un cosmos sauvage auquel elle n’a emprunté qu’un bagage minimal et suffisant pas plus qu’elle n’a que faire des apparences (de la Maya, diraient les Hindous) qui ne sont que la partie émergée de l’iceberg. L’astrologie doit être en quéte d’unité, de centralité. Elle ne doit pas céder à la tentation du chaos existentiel dont l’astronomie, par son foisonnement, laisse entendre, bien à tort- du moins chez les astrologues qui parlent en son nom, qu’elle en serait le reflet et la clef.
JHB
31. 03. 13
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