Le Zodiaque, pièce rapportée de l’astrologie
Par Jacques Halbronn
Que l’on se méfie des historiens de bas étage qui se contentent des documents qui leur parviennent. Un véritable historien, c’est quelqu’un qui a un sens aigu de la chronologie, de la succession des choses et à qui l’on ne peut pas raconter n’importe quoi. Malheureusement, il semble que dans le domaine ésotérique, l’on ne dispose que d’historiens très médiocrement doués. Former des historiens, c’est notamment leur apprendre à ranger les données dans le bon ordre et de ne pas mettre au début d’un processus ce qui doit se situer à la fin. Dans le cas de Nostradamus, nous avons notamment montré que les Centuries correspondaient à une œuvre posthume et additionnelle et non à une œuvre qui serait parue dès les années 1550 comme on le croit encore trop souvent. En fait, être un historien digne de ce nom, c’est avoir le sens de la cyclicité, des algorithmes les plus probables. Certes, la tentation peut être grande pour des historiens de second ordre de s’en tenir à ce qui leur est parvenu en étant incapables de traiter ces informations correctement. Le cas du Zodiaque illustre à merveille notre propos et il est effectivement à comparer avec celui des Centuries du fait de l’anachronisme des représentations en circulation.
.On ne compte pas le nombre d’historiens ou prétendus tels qui croient encore que le Zodiaque est constitutif des origines de l’astrologie alors qu’il vient se greffer sur elle à un certain stade, tardif, de sa genèse. Le problème, avec l’Histoire de l’Astrologie, c’est qu’il faut remonter très haut dans le temps ce qui est évidemment différent du cas Nostradamus qui se situe au XVIe siècle de notre ère.
Nous commencerons par faire remarquer que si l’on prend le cas de la Lune, qui est certainement le socle sur lequel s’est constituée l’astrologie, bien avant que l’on sache distinguer entre étoiles fixes et planètes, on imagine mal que l’on se soit amusé à diviser le mois lunaire en 12 secteurs, ce serait totalement disproportionné. En revanche, on comprend que les amateurs de planètes lentes transsaturniennes soient attachés à la division en 12 car cela masque quelque peu la durée des phase d’un Uranus, d’un Neptune sans parler d’un Pluton. Diviser le cycle de Pluton en 12 fait moins peur que de le diviser en 4. On a donc les nouvelles planètes qui font alliance avec le Zodiaque et ce d’autant plus que d’aucuns soutiennent que le zodiaque doit abriter 12 astres, ce qui ferait du zodiaque, de facto, le fondement même d’une astrologie transsaturnienne –(cf notre entretien avec Carla Prieto, sur teleprovidence). Nous-mêmes, nous avons, il y a bien longtemps, envisagé le rapport des 12 signes et des 12 astres (cf LesMathématiques Divinatoires, Paris, Ed. Trédaniel, 1983).
Il importe de comprendre que déjà en soi le découpage du symbolisme saisonnier en 12 fait déjà problème, en dehors de toute considération astrologique. Toute recherche sur le symbolisme zodiacal conduit à l’idée que l’on a artificiellement découpé chaque saison en trois, comme Vivaldi l’a fait pour ses Quatre Saisons, chaque saison étant divisée en trois. Pourquoi l’a-t-on fait ? Parce qu’il y avait grosso modo 12 mois dans le calendrier soli-lunaire et que l’on aura voulu relier les 12 mois aux 4 saisons.
Par la suite, l’astronomie a adopté un tel système zodiacal, par pure commodité, ce qui a donné lieu aux constellations zodiacales. A ce stade, on n’est même pas dans une démarche astrologique. Car l’intérêt porté aux 4 étoiles fixes royales peut être totalement dissocié du Zodiaque ou si l’on préfère cela correspond à un proto-zodiaque à base 4 sur lequel se greffera le dispositif saisonnier à base 12.
, De nos jours, l’astrologie n’a plus aucun intérêt à accorder quelque importance aux 12 signes et peu nous importe que le public s’y réfère. On notera d’ailleurs que dans les années soixante, nombre de chercheurs ont tenté de prendre leurs distances par rapport au zodiaque. C’est ainsi qu’André Barbault aura cherché à émanciper l’astrologie mondiale du zodiaque. (Indice cyclique, cycle Saturne-Neptune etc). Rien n’empêche d’ailleurs des chercheurs comme Didier Castille de s’intéresser au Zodiaque mais on n’est pas dans l’astrologie. De même, que dire de l’importance prise par la précession des équinoxes qui aura redoré le blason du zodiaque en conférant à celui-ci une antiquité considérable en rapport avec une certaine idée de l’Histoire des religions ? Là encore, on a là un apport parasitaire pour l’astrologie. Quand on pense que certains subdivisent en 12 chaque ère zodiacale pour faire des prévisions, c’est grotesque !
Certes, le zodiaque est attesté de longue date et l’on en a recensé des quantités considérables mais pour nous ce n’est pas lié à l’astrologie avant la mise en place du dispositif des « dignités » planétaires (domiciles, exaltations etc.) qui vient associer par un certain subterfuge 7 « planètes » et 12 signes, sans parler des additions successives des transsaturniennes, à l’exemple d’Uranus et du Verseau.. .
Quand on demande aux tenants du symbolisme zodiacal, d’où il sort, ils ne savent que répondre qu’il est attesté depuis longtemps, ce qui ne répond pas à notre question. En fait, ce symbolisme, comme on l’a dit plus haut, est issu, sous une forme corrompue et syncrétique, de l’iconographie des 12 mois soli-lunaires si ce n’est que la dite iconographie ne nous a pas été conservée dans des documents antérieurs au Zodiaque alors qu’elle est largement attestée après dans les almanachs, les livres d’heures, les cathédrales. De là à croire que la dite iconographie des 12 mois, généralement très mal connue des astrologues, aurait eu pour origine le zodiaque, il n’y a qu’un pas que certains historiens à la noix croient pouvoir franchir. Mais c’est là un contresens de première grandeur !
On se retrouve donc face à un processus d’antidatation assez spécial qui consiste à laisser croire à l’antiquité d’un document en arguant du fait que les sources de ce document n’ont pas été retrouvées. On en arrive ainsi à faire de l’œuf zodiacal une poule ! Or, c’est tout à fait ce qui se passe pour la bibliographie nostradamique. On profite de l’absence de certaines éditions pour soutenir que les Centuries et leurs quatrains sont contemporains des premiers almanachs et pronostications de Nostradamus alors que ce ne sont que des arrangements par d’autres que Nostradamus de papiers laissés en vrac à sa mort par celui-ci qui n’avait rien à faire de composer des quatrains.
Cela dit, il est clair qu’André Barbault a jeté le bébé avec l’eau du bain en ne tenant aucun compte en Astrologie Mondiale de la position « zodiacale ». Son travail sur Saturne- Neptune fait ainsi totalement abstraction du signe où a lieu la conjonction, ce qui a au moins l’intérêt de permettre une certaine généralisation qui est la bienvenue en astrologie. Mais on ne saurait faire abstraction des étoiles fixes et notamment des royales. Certains nous dirons naïvement que si l’on s’intéresse aux étoiles fixes, on s’intéresse au Zodiaque. Ce serait là jouer sur les mots et confondre zodiaque et écliptique. D’ailleurs, les manuels d’astrologie entretiennent plus ou moins sciemment le quiproquo en définissant le zodiaque comme la ceinture qui correspond au passage des planètes sur l’écliptique avec une marge de 8°30 de part et d’autre. Mais le mot Zodiaque référé explicitement à une symbolique qui a été plaquée sur une telle « bande ». Il y a donc un problème terminologique à clarifier. Il suffit de préciser que le nom attribué à cette «ceinture » a été emprunté, à un certain stade, au calendrier soli-lunaire.
Donc, il est hors de question de se priver de l’information « zodiacale » pour étudier le cycle d’une planéte – comme croyait pouvoir le faire André Barbault). En effet, les conjonctions des planètes et des étoiles fixes royales sont la colonne vertébrale de la cyclologie astrologique du XXIe siècle, n’en déplaise à certains attardés. L’idée de remplacer la conjonction planéte/étoile par planéte/planéte est aberrante à plus d’un titre. Le vrai et seul Zodiaque qui intéresse l’astrologie est celui qui s’organise autour des 4 étoiles fixes royales. Quant au symbolisme zodiacal, on peut le mettre carrément à la poubelle. D’ailleurs, le dispositif des domiciles des planètes n’a aucunement besoin du symbolisme zodiacal, puisqu’il recourt à la mythologie des dieux, ce qui n’a rien à voir avec le cycle saisonnier. En tout état de cause, nous sommes là en face d’algorithmes vieillots, qu’il s’agisse de la succession des signes ou des dieux-planètes et il est temps de les remplacer par de nouveaux plus intelligibles et communs à d’autres disciplines.
JHB
29.06.13