L’astrologie de la fin du XXe siècle
Posté par nofim le 22 octobre 2013
L’astrologie de la fin du XXe siècle au travers de quatre Actes de Colloque (1992-2002)
Par Jacques Halbronn
Nous avons pensé que ce serait un exercice intéressant de commenter un corpus constitué d’actes de colloques parus entre 1992 et 2002 et conservés à la BNF, à Paris, ce qui constitue un ensemble d’un millier de pages. On a regretté de ne pouvoir inclure plusieurs Actes publiés par Yves Lenoble mais qui n’ont pas respecté le dépôt légal et donc sont absents des collections de la BNF, état difficilement accessibles au public. Outre le colloque de 199é co-organisé par le COMAC et l’ARRC en 1992, on ne trouve que « Jupiter et l’interprétation » 5emes journées de l’ARRC 19/20 mars 1994) Nous n’avons pas exploité, en revanche, le Colloque « Images et représentations » COMAC 25 avril 1998, FIAP) qui nous a semblé trop technique.
Bien entendu, nous nous sommes limités à quelques sondages, ce qui nous a conduit à produire des extraits qui nous ont semblé significatifs et représentatifs de la pensée astrologique francophone –pour l’essentiel- à la fin du XXe siècle (et donc du précédent millénaire).On aura ainsi, espérons-le, constitué un panorama assez intéressant.
Nous débuterons par quelques passages relevant de l’Histoire de l’Astrologie, à la fin du XIXe siècle.
Yves Lenoble écrit):
« En prenant comme base le découpage des douze signes avec le Bélier à gauche, Paul Choisnard introduit une rupture par rapport au modèle ptolémaïque. Ce mode de représentation privilégie le mouvement cyclique et ouvre la voie à une interprétation qui repose sur les aspects entre planètes et à des techniques prévisionnelles comme les cycles et les transits qui tiennent compte des mouvements réels des planètes » (« De Claude Ptolémée à André Barbault en passant par Abel Haatan, Fomalhaut , Julevno et Choisnard » ( L’astrologie. Hier et aujourd’hui » Publ. des Universités de Rouen et du Havre, 2008,
Sous la dir. De Jean-Marc Pastré et Charles Ridoux
Troisieme colloque de Rambures 2002 (au sud d’Abbeville, p. 225)
Roy Gillett (lors du même Colloque):
« Alors que Morin de Villefranche, le grand astrologue français du XVIIe siècle a été continuellement publié jusqu’à nos jours, il s’est produit en Grande Bretagne une coupure entre cette époque et la renaissance d’une astrologie moderne (…) Après Lilly, à l’exception des almanachs, il n’ y eut plus durant les XVIIIe et XIXe siècles, de publications astrologiques en Grande Bretagne/ Avec l’esprit de « rationalisme scientifique » qui suivit la fondation de la Royal Society durant la seconde moitié du XVIIe siècle, toute connaissance astrologique sérieuse fut perdue » (« La renaissance de l’astrologie en Grande-Bretagne à partir de la fin du XIXe siècle »)
Ces deux textes nous parlent de la «renaissance » de l’astrologie en France et en Angleterre. Le propos de Gillett nous semble assez excessif/ Ce n’est pas parce que Morin est traduit de latin en français à la fin du XIXe siècle qu’il y a eu continuité depuis le XVIIe siècle. De toute évidence, les organisateurs du Congrès « universitaire » de 2002 ont fait appel à un astrologue anglais qui n’avait qu’une bien médiocre connaissance du dossier. (tout en étant président de l’Astrological Association). Il y a un étrange parallèle entre le discours des astrologues français sur un « édit » de Colbert de 1666 (fondant l’Académie Royale des Sciences) portant un coup fatal à l’astrologie et la référence de Gillet à la Royal Society de Londres, à la même époque. Mais les historiens sérieux de l’astrologie anglaise ne tiennent pas le discours de Gillett. (cf. la revue Kosmos, de l’ISAR, 1974). Ils insistent au contraire sur une certaine continuité. Ce qui est certain, c’est que la renaissance de l’Astrologie en matière de traités d’astrologie se produit dès la fin du XVIIIe siècle (cf. La vie astrologique, il y a cent ans, Ed Trédaniel-La Grande Conjonction et notre postface à l’Astrologie du Livre de Toth, d’Etteilla, ed Trédaniel, La Grande Conjonction). En France, en revanche, on ne saurait parler certes d’une disparition de l’astrologie mais d’un divorce entre astrologie et astronomie qui conduit à remplacer la lecture des éphémérides et des almanachs par des calculs numérologiques et ce, à de rares exceptions près, jusque dans les années 1890. Ce sont les astrologues britanniques qui vont intégrer Uranus (Herschell) et Neptune dans le corpus astrologique.
En ce qui concerne les propos de Lenoble, qui traite justement de cette émergence d’une astrologie se référant à nouveau aux données astronomiques, à partir de la fin du XIXe siècle, il fait référence aux travaux du polytechnicien Choisnard (alias Flambart). En fait, pour classer ses données – en vue d’une approche statistique, Choisnard avait choisi de les ranger tous de la même façon, d’où le choix du bélier alors qu’en Angleterre, on continua à placer les maisons astrologiques au centre, ce qui ne permettait pas de faire apparaitre les aspects aussi nettement qu’en France, du moins chez les astrologues qui suivaient le travail de Choisnard. Encore de nos jours, les astrologues francophones ont quelque mal à lire les thèmes dressés à l’anglaise. Mais cela n’empêcha pas Choisnard d’accorder la plus grande importance à l’Ascendant (notamment ceux en signe d’air qu’il pensait être plus fréquents chez les intellectuels).
On abordera à présent la question des passerelles entre l’astrologie et d’autres domaines qui semblent passionner certains orateurs.
José San Miguel de Pablos « Ordre des planéte, ordre des dieux » (même Colloque de Rambures) :
« Le manque d’une théorie de l’astrologie est un obstacle important s’opposant à l’amorce d’un dialogue entre les cultivateurs (sic) de l’astrologie et les secteurs intellectuels (pas seulement les scientifiques (…) L’identification antique des planètes (et des astres en général) à des déités est complétement naturelle »
Christine Saint Pierre écrit à propos de la théorie des Ages :
« Double correspondance (//)entre les significations planétaires traditionnelles astrologiques- héritées de l’observation-et les acquisitions psycho-physiologiques constatées aux différentes étapes de la vie. Cette découverte permet à l’astrologie et à la psychologie de s’éclairer mutuellement au sein des Sciences de l’Homme ; A chaque stade, bien que toutes les fonctions agissent simultanément, l’une d’elles prédomine nettement, passant du potentiel à la réalisation » ((« La représentation dans les concepts conditionalistes », Colloque COMAC 1997, p. 45à
Charles Ridoux :
« Il serait vain d’avoir la prétention d’écrire l’histoire avant qu’elle ne s’offre aux hommes dans sa radicale nouveauté « Tradition et modernité en astrologie mondiale » (Colloque « L’astrologie hier et aujourd’hui », op.cit, pp. 281 et seq)»
Patrick Le Guen
« Comment éviter les interférences de facteurs inconnus dans les groupes étudiés vu qu’a priori on ignore encore la nature et les modalités de l’influence du signal astrologique ? (…) Il est des facteurs extra-horoscopiques dont la force ou le pouvoir inhibiteur peuvent sérieusement infléchir le « destin » ou le caractère d’un sujet qu’indique pourtant son ciel de naissance (. ) En matière de recherche, outre les statistiques existe-t-il d’autres voies, d’autres méthodes pour valider le signal astrologique ? », Colloque ‘L’astrologie en marche », FIAP, COMAC 1997)
J. P. Citron « Cela demande que l’on n’ait pas trafiqué le réel pour le faire coller avec l’hypothèse. Il y a eu en astrologie de beaux exemples de manipulations de données objectives » (Colloque COMAC « L’astrologie une science en marche », 1997)
Notre commentaire : on commencera par le propos de Ridoux, se présentant comme astrologue et historien : nous contestons l’idée selon laquelle l’astrologie serait cantonnée dans l’après coup, le »post eventum », pour l’excellente raison qu’elle n’a pas à annoncer un événement ni d’ailleurs à l’expliciter rétrospectivement. L’astrologie se doit de traiter le passé et le futur de la mime façon et donc ne pas tenter d’expliquer davantage ce que l’on sait que ce que l’on ignore. Ridoux veut nous faire croire que l’astrologie a une vertu explicative sans être en mesure d’en définir les limites, ce qui n’est guère crédible…
Le Guen reconnait qu’il est bien difficile d’isoler ce qui est astrologique de ce qui ne l’est pas, vu que l’on ne sait pas vraiment ce qui l’est. L’astrologie est alors un savoir qui se cherche
Citron met en garde contre la tentation d’ajuster les « faits « à la « théorie ». Or, il est assez évident que l’astrologie a vocation à revisiter les « faits » historiques et à leur conférer un nouvel éclairage et c’est ainsi qu’elle intéressera les historiens, pat sa dimension heuristique et non pace qu’elle aura confirmé ce que disent les historiens qui eux même sont conscience de leur limites.
. Quant à Christine Saint Pierre, elle envisage un rapprochement astrologie-psychologie en oubliant que l’explication la plus simple, c’est que l’ordre de planètes correspond justement à une représentation des âges de la vie. Il n’y a donc rien d’étonnant à retrouver ce qu’on y a mis, sans que cela vienne prouver en quoi que ce soit la valeur de l’astrologie.
Abordons à présent les discours sur les origines et les fondements d l’astrologie :
Didier Castille « Un esprit contemporain rompu à l’exercice de la logique pourrait fort bien légitimement imaginer que les astrologues ont bâti leurs connaissances millénaires à partir d’une patiente consignation de traits de caractère ou de modifications du cours de vie reliés à des configurations astrales (…) mais il semble que jamais de telles méthodes n’aient été utilisées (…) Il apparait que l’astrologie traditionnelle est plus conçue comme une réception de messages célestes par diverses formes de vie sur terre et non comme une projection de constats terrestres sur le ciel » ( « Statistiques et Astrologie » (Colloque de Rombures, p. 261)
: JHB
« L’astrologie moderne est souvent tentée de ne se placer qu’au niveau du découvrir et non de l’inventer, comme si ce qui serait voulu, créé, perdrait de ce fait toute crédibilité (..) son origine et son fondement sont à rechercher dans le champ du culturel probablement plus que dans celui d’un ordre cosmique éternel » (« Ethique et astrologie dans les milieux juifs et chrétiens du Moyen Age », Astrologie et spiritualité Actes Du Colloque ARRC COMAC Ed COMAC, au FIAP 17-18 octobre 1992)
Pinchon, Signal et symbole 1997
« La distinction entre signal et symbole correspond à deux conceptions différentes de l’astrologie : pour l’une, les astres sont des objets réels, extérieurs à l’homme, faisant partie de l’environnement humain, au sens large du terme, exerçant une action sur celui-ci, pour l’autre, ce sont des représentations immatérielles, de simples repères, des images archétypales que l’homme possède en lui et qu’il n’a fait que projeter sur l’univers qui l’entoure » (Congrès COMAC ‘L’astrologie, une science en marche », p.4)
Notre commentaire : pour les astrologues conditionalistes, le systéme solaire est par lui-même porteur de sens. Nous pensons au contraire que ce sont les hommes qui ont conféré du sens à certaines configurations astrales, le processus évolutif du cycle donnant naissance à des significations successives qui n’ont nullement à être représentées par des astres. L’astrologie selon nous serait certes né de l’observation astronomique du ciel mais les significations seraient, quant à elles, un apport des astrologues n vue d’instaurer un certain cycle social.
Enfin, nous aborderons quelques passages relatifs à l’astrologie individuelle :
André Barbault :
« On a déjà évoqué la ténuité de la manifestation astrologique, venant derrière les circonstances du milieu extérieur immédiat qui nous façonnent au premier chef. Les courants intérieurs de nos astres n’ont qu’une influence de seconde main sur notre compte en banque, se contentent plus ou moins de suggérer telle voie professionnelle de préférence à telle autre et n’assignent pas davantage un rendez-vous précis pour l’échéance matrimoniale (.) Elles n’en tracent pas moins des lignes de vie intérieure profondes dont la connaissance est précieuse, éclairage de l’essentiel de son être. C’est vers cela qu’il faut tendre « (Congrès de Rambures 2002 « Parler d’astrologie » p 318)
Solange de Mailly -Nesle
« Il va sans dire que le jeu qui consiste à étudier le thème d’un personnage connu est bien différent de celui qui consiste à étudier celui d’un inconnu/ Dans le premier, on risque d’avoir certains a priori/ Dans le deuxième a priori on n’en a pas » (Colloque Jupiter et l’Interprétation », ARRC, 1994, p. 208
Jean-François Berry : « L’essentiel dans l’approche astrologique est l’individu. Ce ne sont ni les planètes, ni les signes ni les maisons qui vivent votre vie. (. ;) Tout est question de relation conscient entre vous et votre thème (.) Elles ([les transsaturniennes] représentent les ambassadeurs de la galaxie, des ponts entre un plus grand tout que nous percevons intuitivement et notre réalité simple et naturelle du quotidien » « La dimension spirituelle de l’astrologie humaniste » Colloque COMAC-ARRC 1992) «
Notre commentaire :
Nous sommes, pour notre part, extrêmement spécifique quant à l’usage de l’astrologie généthliaque (du thème natal/radix) pour appréhender la spécificité individuelle, même de façon minimale. Nous pensons que la détermination du profil psychologique passe par l’approche cyclique de la vie de la personne, donc de date postérieure à la naissance et qu’il revient à l’astrologue de collecter. Nous sommes totalement hostiles à toute étude biographique fondée sur le thème natal alors que nous encourageons l’étude des phases de la vie par la cyclicité astrologique. Nous rejetons l’usage des planètes transsaturniennes en astrologie, y compris au regard de ‘l’approche transpersonnelle mais nous pensons qu’il faut des interfaces entre le monde d’en bas et celui d’en haut, ce qui implique la reconnaissance de l’existence d’une élite.
Notre commentaire, on l’aura compris, représente l’astrologie du XXIe siècle, au nom de ce que nous avons appelé l’astrocyclologie. Le contraste entre notre commentaire et les textes choisis est à l’image d’une certaine révolution qui s’est produite ces dernières années et qui n’était pas mûre il y a encore dix ans.
JHB
22. 10.13
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