Vers une musique de seconde génération: le temps des DJ
Posté par nofim le 31 janvier 2014
Plaidoyer pour une musique de seconde génération
Par Jacques Halbronn
En une ère d’enregistrements, n’est-il pas temps de repenser la notion d’interprétation ? Selon nous, il ne s’agit plus de déchiffrer des partitions comme il y a deux cents ans mais de travailler à partir d’enregistrements de musiques improvisées. Car si le fait d’écouter un enregistrement a quelque chose d’un peu figé, cela devient du coup une toute autre affaire quand on mélange les compositions (terme qui ne s’oppose nullement à la notion d’improvisation sous notre plume) entre elles. Or, dès lors que l’on se lance dans les combinatoires, le nombre de configurations devient carrément infini puisque l’on peut fort bien partir de n’importe quel moment d’une sonate et lui superposer n’importe quel moment d’une autre et ainsi de suite.
Il nous semble d’ailleurs que la musique contemporaine se prête particulièrement bien à un tel exercice.
En ce qui concerne nos dizaines de sonates (sur You Tube), nous ne pouvons pas imaginer le nombre de musiques que l’on peut élaborer en les combinant. C’est tout simplement infini. On peut d’ailleurs changer aussi l’ordre des mouvements d’une sonate. On voit donc que les DJ ont un bel avenir devant eux non seulement au niveau de la musique de variétés mais aussi à celui d’une musique dite « contemporaine », « postclassique ». A telle enseigne, que nous n’avons plus gout à écouter nos sonates isolément et que par-delà la continuité plus ou moins aléatoire des mouvements dans la diachronie, il faut aussi penser à une juxtaposition spatiale dans la synchronie. Bien plus nous pensons que les DJ les plus doués seraient capables de produire des œuvres à part entière constituées à partir des matériaux fournis par le compositeur. Notons tout de même que nous préconisons que l’on se contente de combine les œuvres d’un seul et même auteur et non des œuvres d’auteurs différents. En effet, nous pensons que les œuvres d’un même auteur ont vocation à s’entremêler et à s’enrichir de par leur inévitable air de famille.
Donc nous déclarons par la présente que l’ère des DJ spécialisés sans tel ou tel compositeur a sonnée. D’autant que de nos jours rien n’est plus facile que de réaliser un tel travail à partir d’un ordinateur, en déclenchant successivement telle ou telle œuvre, sans faire taire la précédente. Souvent, on le fait par erreur, par mégarde, en passant à une musique sans avoir pris la peine d’arrêter la précédente et l’on est surpris de la qualité du résultat qui transcende un morceau en particulier.
A la lumière de telles observations, l’on est amené à repenser la notion même de signifiant. Il y a à l’évidence des êtres capables de fournir, de pondre le matériau initial, c’est un don particulier qui implique que le corps sache s’ exprimer car la musique est avant tout une expression corporelle et on peut dire que le pianiste fait danser ses mains sur le clavier si ce n’est que celui qui improvise n’est pas dans la même dynamique que celui qui fait semblant et tout interprète essaie de faire semblant de croire que sa musique sort de ses mains. L’interprète a un rapport beaucoup plus mental avec son corps que le compositeur. Il n’a pas la partition dans la tête à l’instar d’un interprète.
Mais une fois le signifiant produit, c’est-à-dire ici l’œuvre enregistrée et en quelque sorte figée pour l’éternité, l’on est en droit de passer à un deuxième stade qui est celui de la combinatoires spatio temporelle de toute l’œuvre d’un auteur en supposant qu’elle comporte une unité profonde. Que penser d’une combinatoire de deux ou trois sonates de Beethoven ou de quelques préludes de Chopin ? Et là bien entendu, il ne saurait être question de les faire jouer par une seule personne. En revanche, il n’est pas interdit d’organiser des concerts avec trois ou quatre pianos et pianistes jouant autant d’œuvres différentes d’un même compositeur. Et cela vaut pour divers instruments jouant de concert des morceaux différents. On peut d’ailleurs se demander si cette façon de procéder n’est pas à l’origine de certaines symphonies, dont le nom même est révélateur d’une combinatoire – (syn, avec en grec).
Un autre type de créativité consisterait donc à combiner des éléments musicaux déjà élaborés en amont et cela ouvrirait les portes d’une certaine forme de création musicale à un public énorme, de tous âges. Il suffirait d’élaborer des appareils permettant ces mixages à partir de ces banques considérables de morceaux qui sont déjà à notre disposition sous un volume minime, ce qui serait tout de même plus personnel que de simplement repasser un enregistrement conservé tel quel. En tout état de cause, nous ne verrons, pour notre part, aucun inconvénient à entendre notre propre musique dans une « préparation » inédite car nous n’aurions guère de peine à la reconnaitre, à l’identifier. On pourrait ainsi prolonger en quelque sorte l’œuvre d’un compositeur, en produisant des œuvres nouvelles de celui-ci du fait du mixage et peut être plus sublimes encore que celles de première génération. On devrait ainsi distinguer les compositeurs de première et de seconde génération, encore que l’un n’empêche pas l’autre. Mais nous pensons que certains compositeurs se prêtent mieux que d’autres à un tel traitement, ce qui pourrait modifier l’idée que l’on se fait des « grands’ compositeurs, cela pourrait être une révolution aussi importante que le passage du cinéma muet au cinéma sonore/parlant.
31 01 14
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