Penser l’empire
Posté par nofim le 26 avril 2014
La dimension impériale de la France
par Jacques Halbronn
Nous avons déjà souligné que l’on ne pouvait comprendre l’avenir de la France sans prendre
la mesure de sa dimension impériale et que le nationalisme ne lui sied guère. Qui ne voit que le
probléme des étrangers n’a pas la même signification ni la même portée selon que l’on se situe
dans une perspective impériale ou nationale. Or, l’articulation entre ces deux approches est assez
délicate en ce sens que tout empire est une expansion d’un certain nationalisme qu’il s’agisse de celui
de la Russie, de la Prusse ou de la Turquie et bien évidemment de la France ou de la Grande
Bretagne pour ne pas parler des USA. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre
et il y a un revers à la médaille, à savoir une certaine diversité et une certaine laïcité, qui implique une certaine tolérance et un certain relativisme. Ce n’est pas pour rien que la France se veut laïque car il
n’y a pas d’impérialisme heureux sans une certaine prise de distance par rapport aux croyances
des uns et des autres.
Autrement dit, l’on devrait insister dans les écoles sur cette France impériale, avec ses hauts et ses
bas et cela implique toutes sortes de migrations (immigrations comme émigrations). Les éléves
d’origine maghrébine, par exemple, comprendraient mieux les raisons de leur présence en
France, du fait de la dimension impériale(et donc coloniale) de la France qui est ce qu’elle est.
Un aspect essentiel de cet impérialisme à la française est d’ordre linguistique et là encore, il serait bon
que ce point ne soit pas oublié dans les classes de français et de langues étrangères, à commencer
par l’anglais.
Car si la France a été impériale sur un plan territorial, suivant en cela des précédents prestigieux,
elle l’aura été sur un plan plus abstrait, qui est celui de la domination de sa langue dans le monde
mais notamment en Europe. L’intérêt de cet angle d’approche tient à ce que cette influence du
français ne concerne pas seulement ni d’abord l’Outre Mer mais bel et bien ses voisins, à commencer
par l’Angleterre qui n’est séparée de la France que par une mince bras (Manche) d’eau.
On ne reviendra pas sur l’endettement colossal de l’anglais par rapport au français et qui n’a
toujours pas été résorbé en ce début de XXIe siècle. Mais l’anglais n’est jamais qu’un cas parmi
d’autres – mais certainement le plus flagrant et le plus massif- des emprunts de diverses langues
au français depuis mille ans.
On eut évidemment fausser le débat en développant telle ou telle théorie linguistique qui
minimiserait cette dépendance de l’anglais par rapport au français et c’est peu dire que de dire
que les linguistes ne sont pas neutres dans un tel débat. Nous ne reviendrons pas ici sur ce qu’est ou
n’est pas une langue mais force est de constater que les locuteurs anglais se sont contentés d’un
traitement oral de leurs emprunts en restant très fidéles au français écrit. La plupart des mots
français sont bien plus reconnaissables, en effet, à l’écrit qu’à l’oral. Cette fidélité au mot français
écrit témoigne d’une réelle dépendance, comme si l’anglais se voulait le successeur du français, son
héritier, ce qu’il est d’une certaine façon d’ailleurs. En ce sens, il va de soi que les éléves français (ou francophones) qui apprenent l’anglais ne sauraient l’apprendre comme si c’était une langue « étrangère » et l
et situer cela dans le cadre de cet impérialisme français qui est bel et bien dans le destin de la
France. Certes, la France n’a pas imposé sa langue à ceux qui lui ont emprunté, même s’il y eut une
présence franco-normande en Angleterre.. On pourrait même dire qu’elle aura été pillée sans vergogne.
Mais en vérité, la notion même d’empire n’est pas si simple à appréhender. Dans bien des cas, il est
fait appel à l’empire, il y a volonté d’y appartenir, d’en obtenir en tout cas quelque forme de
protection. On sait d’ailleurs à quel point certains empires sont apparus comme un fardeau, un
boulet pour ceux qui en avaient la charge et cela explique en partie la décolonisation. Autrement
dit, l’empire peut souffrir d’une certaine forme de parasitisme et il fait penser au pélican.
Il reste que pour nous l’empire remplit une fonction simplificatrice et donc unificatrice. C’est le
contraire de la Tour de Babel. On nous objectera qu’au contraire les empires sont la cohabitation de
toutes sortes de différences mais celles-ci sont vouées à un certain dépasseement du fait même de
l’empire. C’est une diversité maîtrisée. En fait, c’est un seul et même modéle décliné de diverses
façons, selon divers contextes, à commencer par la langue française dont l’empire s’étend en Europe de Londres à Saint Petersbourg.
Les empires ne disparaissent jamais complétement. On en trouve maintes traces qui perdurent et
d’ailleurs dans bien des cas, il faut s’attendre à des résurgences. L’avenir est souvent dicté par le
passé des empires. On voit ce qui se passe actuellement en Ukraine et qui ne se comprend qu’au
prisme de la dimension impériale, tsariste (déformation de César) de la Russie. Mais cela vaut aussi
pour les récentes interventions françaises en Afrique.
Certes, la plupart des empires appartiennent-ils au passé mais leur souvenir nous hante et nous anime.
Sans les empires, le monde serait terriblement cloisonné. Les touristes si nombreux qui viennent
à Paris ne célébrent–ils pas à leur façon cette France impériale tant dans leurs visites des
monuments que dans leur rapport à la langue française dont ils trouvent inévitablement des parentés
avec leur propre langue, ce qui les empêche de se sentir vraiment étrangers. La France n’est pas
exotique, elle est quelque part un retour aux sources et un lieu unique de convergence pour ces millions
de visiteurs qui viennent ainsi lui rendre hommage. Il serait bon qu’à l’occasion de leur passage, l’on
mette en place des brochures appropriées célébrant cette vocation impériale de la France. Que
celle-ci ait « perdu » ses colonies, est relativisé par l’immigration vers la France issue des dites colonies.
(cf le phénoméne de la francophonie politique), qu’elle ne soit plus la langue dominante, du fait de
l’anglais ne doit pas faire oublier que tout locuteur anglophone emploie couramment des milliers de
mots « made in France ».
.JHB 26. 04. 14
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26 04 14
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