Les jeunes et les femmes en milieu astrologique
(1953-2013)
par Jacques Halbronn
Les deux angles que nous avons adoptés sont révélateurs
de ce qui se passe dans le milieu astrologique français
mais à des titres extrémement différents.
On pourrait ainsi résumer la situation:
très peu de jeunes et notamment d’hommes
jeunes et énormémemnt de femmes d’un certain âge avec
une certaine forme de gérontocratie majoritairement
masculine. Il serait intéressant d’étudier si un tel « dosage »
se retrouve au sein d’autres communautés astrologiques
ou non mais aussi de vérifier s’il en a toujours été ainsi
sur une soixantaine d’années pour le dit milieu
astrologique..
Sur le premier point, nous laisserons la question en suspens
mais nous invitons des chercheurs à confronter nos
observations propres au dit milieu à ce qui peut s’observer
pour d’autres terrains. Comme dans bien des domaines,
l’approche comparative et synchroniquepeut se révéler fort
instructivede l’état moral, mental de la dite « communauté ».
Sur le second point, l »on proposera ici une approche
comparative diachronique du milieu astrologique entre 1953
et 2013 et l’on peut d’emblée constater un phénoméne de
vieillissement de la dite population assez saisissant pour
quelqu’un qui aurait suivi son profil sur quelques décennies.
Disons de façon quelque peu caricaturale que ce qui frappe
c’est le faible renouvellement des classes d’âge. Ceux qui
étaient jeunes hier ne le sont plus aujourd’hui mais ce sont
grosso modo les mêmes acteurs que l’on retrouve, d’une
décennie à l’autre, toujours un peu plus blanchis, un peu
plus ridés, avec le temps qui passe, avec dans la plupart des
cas les mêmes pratiques, le même « ethno-savoir » qui se
perpétue depuis un demi-siècle. Bien entendu, celui qui
n’a pas de critère de comparaison ne s’en rendra pas
compte car il lui manquera un certain recul. L’information
la plus déterminante est souvent celle qui concerne le
temps alors que l’on a plus facilement accés à ce qui
reléve de l’espace. Il faut donc apprendre à voyager dans
le temps pour prendre conscience de la réalité de la
situation actuelle. Cela dit, une comparaison avec le milieu
astrologique dans d’autres pays, pour d’autres langues, serait
des plus instructives mais nous ne l’avons pas menée à ce
jour et nous cantonerons à la seule sociologie du milieu
astrologique de l’hexagone, espace que nous avons
assez systématiquement arpenté. Il faudrait également
envisager d’élargir la recherche à une population plus
large connue sous le nom de « voyants », ce qui englobe
parfois les astrologues, stricto sensu, les frontières étant
d’ailleurs parfois assez poreuses. Il ne sera pas question ici
de l’intérêt général de la population française pour ces
domaines mais bien des personnes qui fréquentent plus
ou moins assidument le dit milieu astrologique, lors
de réunions locales (avec le visuel que cela permet)
ou sur Internet. (le visuel étant fonction notamment des
vidéos en ligne). On peut d’ailleurs penser que le refus
de certaines structures que l’on vienne filmer leurs
activités pourrait être lié au choc visuel que représente
une salle d’astrophiles en termes de sexe et d’âge. Le visuel
n’est nullement un point secondaire-qu’on le veuille ou non-
car ce qui se ressemble s’assemble et vice versa ce qui ne
se ressemble pas ne s’assemble pas. On ne saurait cacher
le facteur « repoussoir » d’une salle trop fortement
homogéne, visuellement, en matière d’âge et de sexe, soit
deux critères immédiatement captés avant même que
quiconqe n’ouvre la bouche. La sociologie ne saurait
ignorer la dimension visuelle des rapports sociaux, ce
qui inclut aussi d’ailleurs un troisiéme critère qui est celui
de la couleur de la peau et dans le milieu astrologique, on
a affaire à une population presque exclusivement « blanche »
excluant presque totalement, de fait, les arabes, les noirs et
les Asiatiques. Un constat assez identique pourrait sur ce
point être effectué en ce qui concerne, par exemple, le
public des concerts de musique dite « classique », en termes
d’âge, de sexe et de race, à titre de groupe témoin que nous
avons eu également la possibilité de suivre depuis l’époque
des JMF (Jeunesses Musicales de France) dans les années
soixante… Il y aurait donc apparemment quelqe
similitude au regard du public de ces deux ensembles, si
ce n’est que cela ne vaut pas pour les interprétes en musique
qui, quant à eux, sont souvent fort jeunes, tous sexes confondus,
en ajoutant que les lieux de représentation en musique
classique sont infiniment plus nombreux que pour
l’astrologie laquelle se pratique largement en cabinet, donc
hors de tout visuel..
On pourra résumer en disant que le milieu astrologique
n’est plus guère traversé par des « guerres » de génération
ni de sexe, étant donnée l’absence de reléve. Mais il n’en
a pas toujours été ainsi.
I Le facteur « jeunes » en milieu astrologique
Nous sommes bien placés pour aborder la question de l’âge
puisque par la force des choses, nous étions plus jeunes
il y a cinquante ans qu’aujourd’hui et que notre « carrière »
a bel et bien commencé au début des années soixante dix,
après quelques années d’apprentissage..
Incontestablement, les « jeunes » occupèrent dans les
années soixante-dix, en milieu astrologique, une position
que l’on aurait le plus grand mal à imaginer, à concevoir
en 2014! Et ceux qui furent « jeunes » à l’époque ne peuvent
que constater à quel point il n’en est plus ainsi mais en
tirent-ils quelque enseignement?
En effet, la génération des astrologues nés au lendemain
de la Seconde Guerre Mondiale (1945-1949) constitua
un apport tout à fait significatif dans les années Soixante-dix,
cela vaut notamment pour Patrice Louaisel, Jacques
Halbronn (l’auteur de ces lignes) mais aussi, dans une
moindre mesure (à l’époque) pour Yves Lenoble qui
n’accéderait à un certain ascendant que dans sa quarantaine
tout comme d’ailleurs Maurice Charvet et Alain de Chivré.
Signalons au demeurant le cas d’un Denis Labouré qui naquit
dans le courant des années cinquante et qui joua un certain rôle
au cours de la même décennie, de façon fort précoce.
Le background universitaire nous oblige à préciser
« jeunes diplomés » et cela vaut tant pour Louaisel que
Halbronn ou Lenoble, tous passés par la « fac ». Il faudrait
évidemment s’interroger sur ce qui rendait alors si
attractif pour ces jeunes hommes quelque peu aguerris
intellectuellement le dit milieu astrologique. On répondra:
un certain climat de recherche qui régnait alors et qui
offrait certaines perspectives – ou mirages- d’une prochaine
émergence pour l’astrologie, comme savoir – c’est le
cas de le dire -d’avenir! Un espace qui offrait des possibilités
de publication dont sut notamment profiter assez tôt
Jacques Halbronn, un des rares leaders « jeunes » voués à
paraitre chez des éditeurs ayant pignon sur rue, avec, par
la suite, Denis Labouré.
Un des moments emblématiques de l’émergence de cette
vague « jeunes » dans le milieu astrologique fut en effet
la parution en 1976 du volume Astrologie de la prestigieuse
collection « Clefs pour » chez Seghers, l’éditeur ayant
finalement préféré le texte de Jacques Halbronn à celui
d’André Barbault, né 26 ans plus tôt. Il est vrai qu’André
Barbault avait lui aussi porté haut l’étendard de la jeunesse
dans les années cinquante. Rivalité entre deux chercheurs
l’un né au lendemain de la Première Guerre Mondiale
et l’autre au lendemain de la Seconde, pour représenter
l’astrologie face au public cultivé et honnête homme…En
1955, Barbault n’ »avait-il pas publié chez Grasset une
Défense et Illustration de l’Astrologie? Mais il s’agissait
d’une collection « ésotérique », donc marqué par un certain
ghetto.
Toujours dans le domaine de l’édition, René Alleau allait
offrir à Halbronn l’occasion de se positionner comme
historien de l’astrologie à part entière , dans sa Bibliotheca
Astrologica (1975-1977). En 1979, le même « jeune »
soutiendrait une thèse de 3e cycle à l’Ecole Pratique des
Hautes Etudes et à Paris III qui paraitra en 1985 sous le
titre « Le monde juif et l’astrologie. Formation et fortune »
(Ed Arché, Milan).
Mais Halbronn ne se limitait pas à ce créneau académique.
Bien que n’ayant jamais embrassé la « profession »
d’astrologue – ce qui le distinguait nettement du parcours
de Barbault, ce « jeune loup » s’intéressait au monde
des astrologues de l’époque. Barbault allait ainsi apprendre
que le dit Halbronn, lors d’une réunion du Conseil
d’Administration du Centre International d’Astrologie (CIA)
tenue en juin 1973, avait été élu en tant que l’un des
Vice-présidents de la dite association, poste que Barbault
avait du abandonner en 1968, à la suite de sa
participation au projet Astroflash, d’interprétation du
thème natal par ordinateur, titre qui avait été mis en avant
à maintes reprises par celui-ci. Immédiatement, Barbault
décida que cela ne pouvait pas continuer ainsi et il obtint
l’année suivante que l’on mît fin au dit mandat accordé à
Halbronn pour que celui-ci revienne à des gens plus « mûrs ».
L’affaire Seghers, on l’a vu, serait la réponse de Halbronn,
du berger à la bergère. Halbronn était d’autant plus
furieux que grâce à lui un congrès avait été programmé à
Paris pour septembre 74 avec l’ISAR (International
Society for Astrological Research). Que le CIA n’ait pas
souhaité renouveler son mandate de Vice-Président était
vécu comme un affront et une marque évidente d’ingratitude
pour services rendus.
En vérité le CIA était dans une bien mauvaise passe et
cela contribua à exciter certains appétits (on n’abordera pas
ici les causes « astrologiques » de ce démantélement).
L’autre « jeune » en pointe était Patrice Louaisel qui avait
d’ailleurs précédé Halbronn dans ce « statut » de jeune de
service. Il était chargé au sein du CIA d’animer un
« laboratoire » de recherche (Groupe d’étude et de recherche
en astrologie scientifique) qui allait dès 74 devenir une
association distincte. Mais les « vieux » donnaient
l »exemple de la dissension au sein de l’école du CIA, le
CEFA (Centre d’études et de formation en Astrologie) qui
lui aussi allait faire scission sous la houlette de Jean-Pierre
Nicola, né en 1928 et qui avait donc dans les 45 ans. (cf le
guide de la vie astrologique, Ed. Trédaniel, 1984). En 1975,
Halbronn, à son tour, allait créer sa propre structure, le
Mouvement Astrologique Universitaire(MAU).
Imagine-t-on de nos jours un jeune homme de 27 ans
créant une association astrologique- ce qui en soi ne veut
pas dire grand chose – qui dès le mois de décembre 75
accueille à Paris tout un florilége de personnalités
astrologiques tant françaises qu’étrangères, transformant
ainsi l’essai du congrès ISAR de l’année précédente dont
il avait d’ailleurs été la cheville ouvrière pendant 8 jours, en
l’absence, bien évidemment, d’André Barbault? Cela serait
pour ce dernier l’occasion d’évoquer les années 1953-54
quand, le jeune Barbault (pour le distinguer de son frère
Armand) allait prendre la tête d’une éphémére
Fédération Astrologique dépassant les limites du CIA, en
s’alliant notamment avec les disciples de Néroman.( Collège
Astrologique de France, CAF) et accueillant au congrès de
Paris des fêtes de fin d’année 1953 la comtesse autrichienne Zoé Wassilko
Serecki, dans une salle du Palais de la Mutualité. Il est vrai
que pendant les 20 ans qui suivirent, Barbault ne parvint
jamais à mettre sur pied un nouveau congrès à Paris, pour des
raisons que l’on ignore. C’est justement, ce créneau que
Jacques Halbronn investira, au rythme de plusieurs
manifestations par an, et pas seulement à Paris au cours
de ces années 70 et au delà.
Mais Barbault n’était pas au bout de ses peines avec le sieur
Halbronn. On mentionnera six points:
- le procés en diffamation agné en appel (début 78)
en diffamation pour un compte-rendu dans la revue
‘L’astrologue »
- la parution du Collectif ‘Aquarius ou la nouvelle ère du
Verseau (Albatros 1979)
- en 1984 la publication du Guide de la Vie Astrologique, aux
Editions Guy Trédaniel, qui se poursuivra dans les
années 90
- la parution de l’article « ‘Astrologie » dans la Bibliotheca
Universalis, en remplacement de celui de René Alleau
(1994)
- la soutenance d’une thèse d’Etat sur le prophétisme (1999)
précédée d’une exposition à la BNF.(1994)
-le lancement de Teleprovidence (2008)
Quelle est briévement la situation actuelle? André
Barbault est toujours en vie à plus de 90 ans et continue
à publier. Plus de « jeunes loups » à l’horizon! Les « jeunes »
d »‘hier ont désormais la soixantaine. Mais Halbronn
a investi le créneau du « modéle universel » cher à Barbault
(1967 Les astres et l’Histoire, Ed Pauvert). On rappellera
que les années 80 mirent à mal le dit modéle Barbault avec
une troisiéme guerre mondiale qui n’advint pas. Heureusement
il y eut 1989 qui allait faire oublier cet échec prévisionnel
avec l’annonce d’une date importante pour la Russie.
Contribution en l’occurrence du jeune Barbault au vieux
Barbault puisque ce pronostic heureux datait du début
des annés Cinquante et avait été entre temps quelque
peu relégué!
II La reléve féminine dans les années 80
Un autre apport allait jouer son rôle et contrbuer à la
situation actuelle, la mise en avant des femmes astrologues
au cours de la décennie 80.. Halbronn ne fut nullement
étranger à ce phénoméne. Son association le MAU
se constitua autour d’un noyau de trois femmes, Catherine
Aubier, Jacqueline Belluc et Marielle Clavel( les initiales
formant le sigle ABC), dans le cadre de la Faculté
Libre d’Astrologie de Paris( FLAP), sa branche Enseignement,.
et ce dès 1975.
Deux femmes allaient marquer la décennie suivante:
Danièle Rousseau et Denise Daprey. L’une liée à Yves
Lenoble, l’autre à Jacques Halbronn, l’une avec sa
FFA (Fédération Française d’Astrologie), l’autre sa FEA.
(Fédération de l’Enseignement Astrologique), dans les
années 84-86. (cf un numéro du Bulletin de la Société
Astrologique de France sur les femmes en milieu
astrologique, Dépôt Légal, BNF). Mais une autre femme
va émerger, Solange de Mailly -Nesle qui fonde l’AGAPE, une
école d’astrologie, en 89. (Association des Astrologues
Professionnnels). Quand Yves Lenoble, ayant passé
la quarantaine, débutera en 90 une longue série de
congrès annuels, les femmes joueront
un rôle déterminant, ne serait-ce que parce que le public
nombreux est désormais en grande partie constitué d’éléves,
ce qui confère à ces rencontres un ton bien différent des
colloques de recherche et de réflexion propres au MAU..
Parmi ces femmes qui jouent alors un rôle de premier
plan dans les premiers congrès de Lenoble, on ne saurait
oublier une Joëlle de Gravelaine tandis que Catherine
Aubier connait la réussite en tant qu’auteur (y compris
dans la collection Zodiaque co-dirigée par Halbronn, chez
Solar). C’est encore avec Solange de Mailly Nesle que
Lenoble s’associera pour créer SEP Hermés, la
structure organisatrice de ses congrès avant de se lier
avec Catherine Gestas (association Source) par la suite.
Parmi les femmes les plus actives en province, depuis
quelqes années, citons Josette Bétaiolle, à Bordeaux et
Anne-Marie Roussel sur Antibes ainsi qu’une « jeune »
femme qui organisa une série de rencontres dans les Cévennes.
Parmi les auteurs, citons Iréne Andrieu Dorothée
Koechlin de Bizemont, Fanchon Pradalier-Roy disciple
de Germaine Holley sans oublier évidemment
une Elizabeth Teissier très médiatisée qui soutiendra en
Sorbonne une thèse de sociologie sur l’astrologie
en 2001 (reprise aux ed. Plon).
De nos jours, le « visuel » des réunions astrologiques d’une
certaine importance est constitué presque uniquement de
femmes d’un certain âge, dans le public, sinon à la tribune.
Le type « jeune astrologue » de sexe masculin n’est plus
représenté et il est fort improbable que la reléve vienne de
de ce côté.
Il est bien difficile, à l’heure qu’il est, de se représenter
ce que pourrait être la physionomie du milieu astrologique
dans dix ans si ce n’est en supposant les mêmes avec dix
ans de plus, ce qui aura évidemment un effet dissuasif. Quant
à l’astrologie ainsi véhiculée, elle aura, elle aussi, pris un
coup de vieux.
Par ailleurs, le développement d’Internet contribue à limiter
les modes de socialisation directe. Le temps des meetings
astrologiques est -il révolu? Il semble que l’on puisse
mettre le milieu astrologique en pilotage automatique avec
des robots mettant à jour et en ligne les informations et les
vidéos.
JHB
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