Du caractère éducatif des langues
Posté par nofim le 5 juin 2014
L’enfant et l’apprentissage de « sa » langue. Didactique des langues.
par Jacques Halbronn
Nous avons signalé que le XXIe siècle serait très exigeant à l’égard de tout ce qui est
véhiculé par la Culture. Or, celle-ci est grévé, dans son ensemble, par des dispositifs branlants, ce
qui est du à une déperdition de sens (cf Guénon). Il est pourtant, dans bien des cas, de
restaurer les structures dans leur cohérence originelle. Cette cohérence est matricielle pour
l’esprit humain. La question n’est pas si si l’on est dans le « vrai » mais dans le « beau » car
la culture est fondée sur une certaine esthétique dont la technique est d’ailleurs l’expression et
la projection. On ne peut donc laisser le « culturel » dans un état de délabrement. Une politique de
la culture s’impose qui mette fin au grand n’importe quoi.
Nous prendrons pour exemple les enjeux linguistiques parce qu’on touche là à certain tabou. On
voudrait nous faire croire que les langues se développent comme elles peuvent et qu’il ne faut
pas interférer dans ce « jardin secret » de l’Humanité, qui devrait en quelque sorte, échapper à
tout contrôle.
Un tel positionnement est paradoxal quand on sait à quel point les langues, même les plus
mal en point, sont structurées et c’est justement cette armature, cette architecture qui se sont
maintenues bon an mal an qui nous incitent à déclarer que les langues sont bien au
contraire porteuses d’un contenu éducatif non pas tant au niveau du signifié que du
signifiant.
Cependant, il n ‘est nullement question ici d’idéaliser les langues et de les prendre comme elle »sont ».
Une approche ingénieurique est ici requise qui passe par un remodelage de celles-ci, une sorte
de ravalement. Nous sommes particulièrement sensibles au cas de l’anglais, en raison même
de la position centrale qu’il a su conquérir tout au long du XXe siècle. Une langue est un outil
et doit être appréhendée comme tel et donc c’est bien du « procés » de l’anglais qu’il s’agit, à
nouveau, ici même si aucune langue n’échappe aux effets d’une certaine incurie Mais pas au même
degré!
La question qui se pose est justement celle de la possibilité pour telle ou telle langue de se
réformer, de se re-former, de reprendre forme. Il en est pour les langues comme pour les gens:
certaines sont à terme condamnées car trop atteintes alors que d’autres peuvent, sans trop
poser de problémes pour leurs locuteurs, procéder à quelque « lifting ».
Mais ce sur quoi nous voudrions ici spécialement sensibiliser nos lecteurs, c’est l’angle
éducatif et nous rappellerons que notre grande mère maternelle (Claude Jonquière)
fut l’auteur d’une méthode d’orthographe (restée inédite mais dont nous avons le manuscrit)
Un enfant doit pouvoir circuler tout seul au sein d’une langue sans avoir constamment à
demander son chemin. Ce qui correspond au passage du signifiant au signifié et à la question
scabreuse des synonymes, c’est à dire des mots qui ne se ressemblent pas mais qui sont
censés quand même dire la même chose.
Il faut que l’enfant puisse deviner le sens des mots en les voyant utilisés et non parce qu’on lui
aura dit que tel mot signifie ceci ou cela. On distinguera évidemment les mots qui désignent des
objets bien précis car cela ne s’invente pas pas plus que les noms « propres ». Mais cela ne doit
pas être considéré comme le coeur actif de la langue et relévera plus de la mémoire que du
raisonnement.
Il sera donc souhaitable de donner à l’enfant un outil performant et toutes les langues, on l’a dit,
ne se valent pas, ce qui peut avoir des effets importants sur le développement mental des
locuteurs et notamment sur leur autonomie et leur autosuffisance. Encore faut-il ajouter que
même des locuteurs recourant à une langue particulièrement cohérente – et pas seulement au regard
de ses conjugaisons et de ses déclinaisons- peut ne pas porter ses fruits si elle est par trop
contaminée par le poids de sa périphérie, c’est à dire les noms « communs » d’objets, de lieux.
D’où la nécessité de ne pas exposer l’enfant à de l’information brute qui est un élément
important de la « culture générale ». Tout ce qui est de l’ordre de la mémoire, de la mémorisation
appartient plus au signifié qu’au signifiant. Nous serons donc, on l’aura compris, en faveur
d’un environnement linguistique protégé du moins lors des premières années, ce qui peut exiger que
les enfants ne soient pas mis au contact de la société de façon brutale. Une langue est donc
soumise à plusieurs menaces, l’une interne, l’autre externe. L’une interne tient à sa
déstructuration plus ou moins avancée, l’autre externe au parasitage tant du fait des objets
et des personnes à désigner que du fait des emprunts de telle langue à telle autre/ On sait que nous
avons souvent dénoncé le rôle de l’emprunt linguistique mal conduit dans la perturbation de
certaines langues, à commencer par le cas de l’anglais, de ce qu’il est devenu.
L’autre jour nous pensions à ‘adjectif « anglais »: mortal et nous compariosn son cas avec le
français « mortel » qui est équivalent mais dans un environement bien différent. En français,
mortel renvoie d’office – au niveau du signifiant, de sa forme écrite et sonore- à mort, à mourir.
En revanche, en anglais, « mortal’ , du moins en tant que signifiant, ne renvoie à rien d’autre
qu’à lui-même (sinon à mortgage, hypothèque (gage mort) à la forme latine « post mortem »).. Il est
évident que l’anglais « mortal » vient du français et donc ne peut être saisi qu’en liaison avec cette
langue si ce n’est que par le jeu des « signifiés », le locuteur aura appris que « mortal » est
l’adjectif qui correspond à ‘dead », à « death ».L’effort que l’enfant devra accomplir pour « deviner »
que mortal et death sont liés est supérieur, à l’évidence à celui qui lui est demandé pour relier
« mortel » et « mort »/. Entendant « mortal », l’enfant connectera ce mot avec mort qu’il aura déjà
entendu par ailleurs, ce qui nous renvoie à une langue beaucoup plus accessible avec un nombre
somme toute assez limité de « modules ». Bien entendu, il sera loisible à l’enseignant de fournir
à l’enfant toute la série des mots appartenant à une même « famille » et ayant réellement un
air de famille. A lui ensuite d’en concevoir l’usage sans qu’on ait même à lui préciser le sens
des mots de telle ou telle famille. Le contexte doit suffire à découvrir de quoi il s’agit. Chaque
enfant est ainsi invité à décrypter la langue, à la façon d’un petit Champollion
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JHB
05 06 14
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