La dynamique des cafés philo : sociabilité et handicap
par Jacques Halbronn
Nous avons plusieurs fois mis en évidence le fait que lien social
était souvent alimenté par le partage d’un certain handicap.
Ce qui nous intéresse le plus ici c’est que cette rencontr qui
pourrait être un des rares lieu de liberté, d’improvisation se
voit généralement muselé au nom d’une rigueur
organisationnelle persuadée qu’on ne peut pas laisser les choses
se réguler d’elles-mêmes. On pense à ces entraineurs ( en foot
ou ailleurs) qui sont trop sur le dos de leur équipe et qui veulent
tout régenter, tout calculer.
D’habitude nous aimons opposer la liberté d’expression des
gens qui se rencontrent et qui parlent ensemble à la dimension
quasi-mécanique d’une orchestre,suivant pas à pas la partition
du compositeur et la baguette du « chef ». Or, les cafés philo
nous démontrent que le mal a encore progressé et que la
situation est encore pire que nous nous l’imaginions puisque
même la circulation de la parole fait probléme et est soumise
à des régles qui n’ont rien à voir avec la qualité des propos tenus
par tel ou tel, au sein du groupe ainsi constitué. Au vrai, nous
avions déjà remarqué une certaine rigidité dans des réunions
plus formelles comme des commissions, des conseils, des
conférences, des séminaires.
. Mais nous avons été contraints de constater que cette même
rigidité avait envahi d’autres espaces. Ce qui nous améne à
nous demander quel est le « vrai » sens de ce genre de réunion,
quel est l’enjeu « non dit » sinon non -conscient? En fait, la
définition du café-philo -terme d’ailleurs tout à fait abusif
au regard de la philosophie- espace où chacun peut
s’exprimer dans un temps raisonnable et dire ce qu’il a
envie de dire, ce qui fait d’ailleurs que le thème mis en avant
n’a vraimennt pas beaucoup d’importance et même semble
indifférent et aléatoire. Question: qui peut être attiré par une
telle formule?
Réponse: des personnes qui n’arrivent pas à prendre la
parole facilement, qui ont besoin qu’on la leur donne. Cela
peut être le cas d’étrangers, de personnes atteintes de quelque
surdité, de personnne qui parlent trop lentement et qu’on ne
laisse pas « finir » ce qu’elles ont à dire, qui sont assez
marginalisées dans une discussion « à bâtons rompus ». Bref
des laissés pour compte de la communication.
Les femmes sont souvent plus frustrées que les hommes dans
le domaine de l’échange en groupe et l’on trouve plus rarement
de jeunes hommes que de jeunes femmes parmi les
participants d’un café philo et comme par hasard quand il y en
a, ils sont souvent très à cheval sur la « discipline »,faisant
ainsi de nécessié vertu car il est évident qu’ils préférent
renoncer à la liberté de tous que de l’accorder à tous car
ils savent qu’au final ils seront défavorisés du fait d’un certain
manque d’allant. D’ailleurs,, il faut sérieusementne
manquer d’allant pour accepter de suivre les régles d’un café
philo où il faut lever le doigt pas même pour intrvenir mais
pour figurer sur la liste de ceux qui interviendront. La « liste »
est un outil indispensable au bon fonctionnement d’un
café philo qui se respecte..
Disons que les gens « normaux » non seulement n’ont pas
besoin d’un tel cadre mais ne sauraient le supporter. sauf
s’ils ne viennent pas pour intervenir mais pour regarder
des gens parler, par delà ce qu’ils peuvent dire. On est alors
dan un plaisir de la gestuelle et on pourrait mettre des boules
Quies.
Nous avons organisé et animé un grand nombre de colloques
dans plusieur domaines, c’est à dire des espaces d’échange
comme l’indique l’étymologie du mot colloque (parler ensemble)
et le rôle de l’animateur est de choisir le « bon cheval », la
personne qui est en forme et qui suscite des réactions. Ce n’est
pas forcément le meneur de jeu en titre qui serait plutôt
à comparer à l’ »entraîneur qui forme l’équipe et la fait
évoluer selon le cours du jeu. Ce ‘leader » de circonstance
n’est parfois même pas indiqué sur le programme du colloque
Il doit intervenir souvent mais briévement, efficacement,
relancer le débat, distribuer les « ballons ». On prend cet
exemple sportif car c’est un des rares espaces où l’improvisation
est encore respectée,ce qui ne signifie pas qu’il ne faut pas
s’entraîner avec rigueur mais ça c’est avant le match.
En conclusion, il faudra distinguer l’objet affiché du groupe
qui est soi-disant la Philo et la vraie raison d’être d’une telle
formule qui est la peur de prendre la parole et de se la
faire couper, qui est le point commun entre ceux qui se
prétent et se soumettent à une tell épreuve. Généralement,
on se fera une assez bonne idée d’en groupe en en étudiant
la composition, la classe d’âge, le sexe, les carences
visuelles ou auditives qui créent du handicap et donc des
frustrations. Quand certaines dominantes sont très marquées,
il est temps de s’alarmer. On pense notamment à ces
réunions qui ne regroupen à 90% que des femmes d’un certain
âge qui n’ont plus assez de charme pour se faire entendre
par les hommes.
On ajoutera que selon nous faire de la philosophie c’est
redéfinir en permanence les mots, les connexions entre eux.
Une expression trop bréve ne saurait être philosophique que
sur un mode conclusif, donc en fin de parcours. Un débat
philosophique ne saurait donc être une succession de
monologues, il importe que les protagonistes discutent et
disputent entre eux avec une certaine fluidité. On imagine mal
Socrate se pliant aux régles débiles du café-philo.
La philosophie ne se réduit pas, en effet, à quelque exercice sémantique
consistant à communier dans une sorte de consensus figé mais pas davantage
à ce que chacun dise ce que tel mot lui inspire, de quoi il est chargé. Il s’agit bien au
contraire d’une déconstruction du langage et c’est ce qui rend la philosophie si étrangère aux
femmes pour qui les mots sont des choses, des objets et d’ailleurs elles n’hésitent pas à comparer
la réalité d’un objet matériel – comme un vase posé sur une table- avec la « réalité » d’un concept, d’une
notion quitte à aller « vérifier » ce qu’en dit le « dictionnaire », lequel a la « bonne » réponse. Il y a là un
niveau qui est celui de l’enfance qui apprend à parler et pour qui le maniement des mots précéde la
connaissance du monde. En réalité, ce n’est pas, pour les femmes le concept qui est aussi réel que l’objet mais l’objet qui est aussi réel que le concept lequel précéde l’appréhension de l’objet (Mythe de la caverne). Il faudrait probablement distinguer un café philo
pour les hommes et un café philo pour les femmes, toute solution mixte risquant d’être bancale. Nous avons ailleurs exposé la thèse
selon laquelle, il y avait une première sensorialité en prise avec le réel et une autre sensorialité passant par le langage qui ne connait
le monde que par le truchement du langage, et c’est cela qui paradoxalement fait que les mots, chez les femmes, sont dotés d’un tel
poids puisqu’ils jouent pour elles le rôle du réel.= à l’instar du monde visible pour les non voyants qu’ils ne captent qu’au prisme de
ce qui leur en est dit. La langue est un mode d’émission et de réception qui passe par le visible et l’audible mais qui n’est nullement
équivalent à ce que l’on capte par la vue et par l’ouie, c’est une sorte d’infra-sensorialité. Une langue que l’on n’a pas apprise heurte notre sensorialité en ce que ce sont des sons et des signes qui ne relévent que par un biais du domaine des sens. (cf ce que nous avons écrit sur le silence). Ce n’est que parce que ces sons et ces signes sont reliés à quelque réalité qu’ils font illusion, ce qui renvoie à la dialectique du signifiant et du signifié.
JHB
29. 07 14.
peu de jeunes hommes
socologie des cafés phil