Le passage du médium au message
Posté par nofim le 2 juillet 2014
Le message est-il déjà dans le médium ?
Par Jacques Halbronn
Nous proposons ce texte en vue d’un débat prévu pour le dimanche 6 juillet 2014, dans le cadre d’un Café Philo, animé par Jean-François Paquelier. On prendra comme exemple, précisément, le cas de l’organisation d’un Café Philo en montrant que la façon dont la prise de parole est déterminée va affecter la production qui émanera du groupe concerné. Cela signifie que l’outil de communication joue un rôle important au regard du message, défini comme ce qui « sort » du groupe des émetteurs.
Mais d’autres aspects retiendront notre attention comme le choix d’une langue. Si l’on est dans un colloque international et que l’on choisit telle langue comme obligatoire, cela avantagera certains locuteurs quant à la présentation de leur message lequel sera facilité ou au contraire géné par un tel choix.
En fait, la question nous semble être de savoir si le message est aussi important qu’on a tendance à le croire. On dit par exemple : donner signe de vie, donner un coup de fil, envoyer une carte postale. Est-ce que la façon dont on se manifestera n’est pas secondaire en comparaison du fait même de se signaler ? Dans les conversations, est-ce que le contenu est si crucial que cela, la plupart du temps ? On peut en douter. Autrement dit, on communiquerait pour communiquer et non pour transmettre un message en particulier. Il conviendra donc de relativiser le contenu du message et de se dire que ce qui compte c’est qu’il y ait message et donc ce qui compte ce n’’est finalement pas le message mais bien le médium, le message en lui-même devenant virtuel et accessoire. On peut notamment parler pour ne rien dire, pour éviter un silence génant, pour « meubler » la conversation avec n’importe quoi. De même on dira que l’on regarde la télé mais ce que l’on regarde est sans importance. On va au cinéma mais peu importe le film. Idem pour un concert. D’où l’article indéfini. On pourrait en dire d’ailleurs autant pour notre alimentation. L’important n’est-il pas de déjeuner et non ce qu’on mange ?
Le rapport entre nourriture et culture est intéressant car dans les deux cas (cf nos textes sur
Malbouffe et malculture) on absorbe ou l’on fait absorber. D’ailleurs, la bouche sert à se nourrir physiquement mais sert aussi à nourrir autrui mentalement par le biais des sons émis.
Une autre question que nous aimerions (nous ) poser est celui du contenu inhérent au médium choisi. Est-ce que le médium comporte en soi un message, un savoir, ou est-ce qu’il est « neutre » ?
Les poétes, par exemple, semblent considérer qu’une langue a quelque chose à nous dire et ils l’interrogent et l’explorent, notamment par le biais de la versification qui relie des mots qui se terminent pareillement mais dont le rapprochement sémantique peut surprendre.
Certains diront que l’hébreu est porteur par lui-même d’une certaine « sagesse » en rapprochant des mots ayant même valeur numérique en convertissant les lettres de l’alphabet en chiffres.
Chaque langue influe sur nos associations de mots et d’idées et donc va influer sur certaines conclusions qui pourront émaner du groupe des locuteurs concernés par une langue donnée.
On se mettra plus facilement d’accord sur les liens à établir entre deux notions si dans une certaine langue elles sont associées alors qu’elles ne le sont pas dans une autre langue.
En fait, le ton de la voix peut s’avérer plus porteur que le contenu du message surtout si l’on a du mal à comprendre la teneur du dit message, si c’est par exemple dans une langue étrangère ou peu familière ou sur un sujet trop « pointu ». Le moins que l’on puisse dire est que la réception du message sera affectée par la perception que l’on a du médium, son apparence, son âge, son sexe, son poids etc, toutes sortes de critères qui laissent à préjuger du traitement qui sera fait du dit message.
Le message se voit souvent réduire à la portion congrue : le signe de vie. Si quelqu’un parle, c’est qu’il n’est pas mort. Maintenant, ce qu’il dit est secondaire et interchangeable.
On nous demandera où passe la frontière entre le message et le médium. Nous dirons que le médium est général et le message est particulier. La télévision est un médium et peu importe ce qu’elle véhicule. Mais tel programme qui passera à la télé sera un message spécifique en un instant T. Le médium est comme un train dont il importe peu de connaitre l’identité des voyageurs, une maison dont il est secondaire de savoir qui l’habite. Il y a une permanence du médium et une fugacité du message. Un lecteur de CD est un médium, le contenu de tel CD que l’on donne à « lire » est le message et ensuite il y aura un autre CD qui n’aura rien à voir et qui sera un autre message. Un médium n’est pas réservé à un certain message, il peut en tout cas resservir pour autre chose.
On se demandera si les femmes ne sont pas d’abord des médiums, à l’instar des machines, dont le message est indifférent alors que les hommes sont responsables de messages pouvant être transmis par divers médiums.
En fait, la question que nous poserons est la suivante: est-ce
que le médium prévaut sur le message ou se substitue au
message ou plus encore est indifférent au message? Ce qui
compte, entend-on dire, c’est que chacun puisse s’exprimer
et peu importe ce qu’il a à dire et de préférence, on insistera
sur l’égalité des temps de parole san considérer l’intérêt du
contenu. Il y a là un risque de nivellement par le bas qui
conduit à une certaine médiocrité.
Nous dirons que le médium est le Surmoi et le message, le Moi
(Freud). Dans le cas des langues qui sont les médiums, par
excellence, il y a un Surmoi qui est constitué des dictionnaires
pour l’usage des mots et des grammaires pour leur
traitement. Or, selon nous, la philosophie a vocation à
rapprocher des mots qui sont jugés distincts en les posant
comme synonymes et interchangeables tout comme la poésie,
sur un autre plan, rapprochera des mots qui se ressemblent
par leurs finales mais qui n’ont pas le même sens. Le
philosophe et le poéte, chacun à leur façon, transgressent
le Surmoi propre à toute langue comme s’ils se situaient
en quelque sorte au-dessus des lois. Et l’on trouve dans
les café philos ce clivage entre ceux qui se plient au Surmoi
et ceux qui ne s’ y plient point. Pour les premiers, les
café philos se limitent à montrer que l’on sait s’exprimer en
bon français et que l’on a bien appris sa leçon, cela concerne plus
les femmes que les hommes. Pour les seconds, ces enceintes
sont des espaces de liberté de pensée qui permettent au
message de ne pas être conditionné de façon aussi rigide
par le Médium. Notons que nous avons également
fréquenté des clubs de poésie (notamment avec J. F. Trougnou
Cave à poémes) où la transgression est, comme on l’a dit,
sur un autre plan. D’ailleurs, certains philosophes font de
très mauvais poétes et vice versa.
JHB
07 07 14
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.