Mythe et Histoire
Posté par nofim le 6 juillet 2014
Vers une épistémologie du mythe historique
par Jacques Halbronn
A la suite d’un café philo qui avait traité, à notre suggestion,
du thème: « Peut-on connaitre le passé? » nous présenterons
certaines réflexions qui nous ont été inspirées par cette séance
du 5 juillet 2014 au Bistro Saint Antoine, près de la Bastille.
La thèse que nous développerons ici est la suivante: le mythe
serait une représentation spéculative du passé à partir du
présent. Il n’est pas un calque du présent mais il entend
exposer les éléments dont le présent serait comme le reflet
lointain et tardif à la façon de ces étoiles dont la lumière
nous parvient avec retard et qui parfois sont mortes quand
leur éclat nous est encore perceptible, en raison de la
distance.
Le mythe ne prétend pas s’appuyer sur des faits avérés mais
sur des probabilités au vu de ce que nous comprenons de
notre présent. C’est ainsi que certaines de nos propres
reconstitutions s’apparentent à la constitution de mythes, à
savoir un passé imaginé sinon imaginaire.
On aura compris que le passé pour nous n’est connaissable
que par le biais du présent. Le présent offre une totalité
de l’instant qui ne peut se trouver ni dans le passé ni bien
évidemment dans le futur. Certes, ce présent est foisonnant
mais il a le mérite d’être là, d’exister dans sa globalité en
comparaison d’un passé et d’un futur terriblement incomplets/
Un passé ne s’observe pas, et ce que l’on nous en dit n’est
que peu fiable au regard de ce que nous pouvons capter et
observer du présent, tel qu’il se déroule sous nos yeux. Rien
ne vaut le regard porté sur un monde en train de se
déployer. Bien entendu, certains sont plus doués que d’autres
pour pratiquer un tel exercice.
Les sciences « dures » ne disent pas autre chose: l’étude du
présent nous renvoie au passé quand bien même nous n’en
aurions pas la moindre trace d’époque: les traces du passé
sont dans le présent. Rien ne se perd, rien ne se crée.
On proposera donc tout simplement d’aligner la recherche
historique sur la recherche scientifique dans le champ de
la physique notamment ou de considérer la démarche
scientifique comme relevant d’une dynamique historique.
On en arrive au paradoxe suivant, à savoir que toute
projection d’un savoir sur le passé reléverait peu ou prou
du mythe, y compris donc pour les sciences dures qui
nous permettent d’explorer le passé.
Autrement dit, l’avenir de la science historique passerait
par l »élaboration de mythes dès lors que les historiens
assument une dimension spéculative de leur travail. La
spéculation débouche sur le mythe. On ira jusqu’à dire
que c’est en connaissance de cause que l’on a élaboré tout au
long des siècles des « récits » myhiques. Le mythe ne prétend
pas expliquer le présent mais c’est le présent qui donnerait
naissance au mythe par extrapolation. Il y a là de notre part
une révolution copernicienne. C’est le mythe qui tourne
autour d’un certain présent et non l’inverse.
Dire que le passé nous apparait plus clairement que le
présent est inacceptable car le passé nous est étranger. Seul
le présent nous parle, nous touche en « live ».
Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer la fascination
exercée par le passé et qui nous déphase par rapport au
présent. On prise la musique du XIXe siècle et l’on ignore
la musique qui se crée devant nos yeux.
Il importe de réhabiliter le mythe, notamment chez Platon.
Le mythe est une forme d’utopie/d’uchronie qui est non
pas un point de départ mais un aboutisssement d’une
réflexion historique menée à partir de notre présent, c’est
le passage du connu, ce qui est ici et maintenant, vers
l’inconnu, le passé qui ne nous est connu que par bribes plus
ou moins hors contexte. Le déni du présent conduit à opposer le
passé au présent alors que le passé est parmi nous, ce qui
est le fondement épistémologique des sciences dures qui
selon nous vaut aussi pour le champ des sciences du vivant
et de l’Homme.
JHB
06 07 14
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