L’enseignement de Manilius poéte et astrologue latin
Posté par nofim le 9 juillet 2014
L’astrologie non planétaire de Manilius
En hommage à René Alleau
par Jacques Halbronn
René Alleau a fait paraitre dans la collection
Bibliotheca Hermetica, au cours des années 70 du siècle
dernier, 4 textes importants de la littérature astrologique.
En 1970 le Manilius avec une présentation par lui-même
(traduction française d’Alexandre Pingré), puis
en 1974 la Tétrabible de Ptolémée avec une présentation
de Sylvain Matton puis en 1975 et 1977 deux ouvrages dont
nous avons eu la charge, respectivement un Morin de
Villefranche (au sujet notamment de Ptolémée)
et un Abraham Ibn Ezra (assez fortement influencé par
la Tétrabible) . Nous avons décidé
de revenir sur ces 4 ouvrages rédigés en 4 langues
différentes (grec, latin, français et hébreu) – pour la
Tétrabible, nous nous sommes limités pour l’heure
au Premier Livre- et nous terminons notre
approche par la poésie scientifique latine de Manilius
- le poème est adressé à l’empereur romain Auguste-
qui est le plus ancien des 4 et qui précède d’un siècle le Ptolémée.
Manilius commence par présenter son idée de la genèse
du savoir astrologique qui correspond assez bien au discours
tenu actuellement par les astrologues/ L’astrologie serait née des
observations et des corrélations. Pour notre part, nous
pensons que l’astrologie (logos) est une loi articulée sur les astres
et non une loi des astres.(nomos).
Le Livre I est un exposé qui combine allégrement astronomie et astrologie et
s’intéresse aux constellations non zodiacales.. Au Livre II,
Manilius aborde certains dispositifs proprement
astrologique: « six sont masculins, les six autres d’un sexe
différent » Mais il ajoute » Le premier de ceux-ci est le
taureau ». Or, au Livre I, Manilius avait ainsi décrit la
succession des signes : »Après lui, le verseau vide son
urne inclinée, et les poissons reçoivent avec avidité
l’eau qui en découle ; c’est leur élément naturel : suivis
du Bélier, ils sont les derniers signes célestes »
Cela recoupe nos travaux concernant le fait que le bélier n’est
pas le premier mais le dernier signe du Zodiaque, ce qui
fait bien du taureau le premier signe, du moins dans le
système concerné et recoupe la tradition de l’Inde. Cela est
attesté selon nous par le dispositifs des exaltations.
Mais le texte de Manilius n’est pas homogène car à un autre moment
on lit que le Bélier « commence le printemps. » Mais ailleurs
on peut lire « l’hiver commence au sagittaire , le printemps
aux poissons »!
On note aussi toute l’importance accordée à l’alternance de signes
masculins et féminins mais si le Taureau est le premier signe,
ce sont les Gémeaux qui sont un signe féminin. En effet,
la symbolique de ce signe est analogue à celle de Vénus et
de ses « enfants » (Planetenkinder). Elle correspond au niveau
des mois de l’année au « temps des amours » au mois de Mai
d’où l’iconographie représentant souvent un couple
enlacé.
Manilius atteste de sa connaissance des triplicités mais
sans aucune mention des Quatre Eléments, également
absents de la Tétrabible pour qualifier les douze signes.
Un point important qui doit retenir toute notre attention
concerne ce que Manilius dit des aspects d’autant que
Ptolémée n’est pas clair sur ce point (alors qu’il lui est
postérieur) :
« Les degrés (…) sont au nombre de 360 : le tiers de ce
nombre doit former le côté du trigone (…)Or vous ne
trouverez pas cette somme si vous vous contentez de
compter depuis un signe jusqu’à l’autre au lieu de
compter depuis tel degré du premier signe jusqu’à
pareil degré du second (..) si vous comptez depuis
le commencement du premier signe jusqu’à la fin du
cinquième [par ex. du bélier au lion], la somme s’étendra
jusqu »à 150° (…) On se tromperait également en suivant
le même procédé par rapport aux signes tétragones » ( soit des
carrés) » Idem pour l’hexagone, c’est à dire le sextile qui
sont axés sur le sexe : « Ils ont entre eux de affinités
fondées sur la ressemblance du sexe ». En revanche, selon
Manilius, « ‘les signes qui se touchent ne peuvent former entre
eux aucune liaison ; l’amitié ne peut être entre ceux qui
ne se voient point (…) Les astres voisins sont d’ailleurs
constamment de signes différents » Mais cela vaut aussi
pour le carré. Manilius à la différence de Ptolémée ne voit
pas l’opposition comme un aspect difficile: « de la ressemblance
de sexe nait une bonne intelligence réciproque (…) les signes
opposés sont tous les deux de même sexe’ Mais ajoute
Manilius » cette ressemblance de nature a moins d’énergie
que l’opposition des saisons (…) Il n’est point étonnant que
de tels signes ne puissent s’accorder entre eux ». Cela vaut
pour les signes solsticiaux . Mais les signes équinoxiaux
(bélier et balance) s’entendront entre eux car « les deux
saisons se ressemblent’
Passons à un texte fort connu de Manilius consacré aux
Maîtres des signes. ‘Notre soin principal doit être de rechercher
quels sont les dieux qui président à chaque signe »/ On aura noté : Manilius ne parle
pas ici des planètes mais des dieux, ce qui nous conduit à penser que Ptolémée est
un réformateur de l’astrologie qu’il aura voulu relier fortement à l’astronomie.
« Pallas protège le Bélier, la déesse de Cythère (Vénus) le taureau, Apollon (il ne dit pas le Soleil) les aimables Gémeaux/ Vous présidez Mercure à l’écrevisse (cancer) et vous Jupiter vous vous unissez à la mère des dieux pour gouverner le lion/ La Vierge avec son épi appartient de droit à Cérès et la balance à Vulcain qui l’a forgée. Le Scorpion belliqueux s’attache à Mars ; Diane (il ne dit pas la Lune !) protégé le chasseur, moitié homme, moitié cheval (le centaure/sagittaire) Le capricorne rétréci (sic) est attribué à Vesta. Le Verseau ; astre de Junon est opposé à celui de Jupiter ; Neptune revendique au ciel les Poissons comme originaires de son empire »
On est donc fort loin du dispositif figurant dans la Tétrabible et qui se limite aux sept « planètes » et où les noms d’Apollon et de Diane sont remplacés par les dénominations astronomiques (Soleil et Lune), ce qui produit un ensemble hétérogène, astronomico-mythologico-astrologique qui caractérise bien l’astrologie actuelle et son syncrétisme. La disposition des dieux n’a d’ailleurs rien à voir chez les deux auteurs. On note qu’il y a égalité entre le nombre de dieux et de déesses chez Manilius alors que seules Vénus et la Lune sont des déesses dans le dispositif de la Tétrabible.
Si l’on examine le dispositif de Manilius, la Lune en Sagittaire s’oppose au Soleil en Gémeaux
Vénus en taureau s’oppose à Mars en scorpion. Jupiter en lion fait pendant à son épouse Junon en verseau. Mais il ne s’agit là que de divinités et non de planètes sauf pour les luminaires lesquels en fait sont désignés par leurs appellation mythologique et non astronomique, à la différence de ce que fait Ptolémée.
On note l’absence de Pluton mais aussi de Saturne. On ne saisit pas bien le sens de l’opposition Neptune-Cérès ni ce qui fait couple entre Pallas et Vulcain, entre Mercure et Vesta si ce n’est que chaque fois on a un dieu et une déesse, ce qui nous semble de fait un point essentiel qui n’est pas respecté dans le dispositif de la Tétrabible où certes l’on retrouve Mars-Vénus alors que Mercure s’oppose à Jupiter, soit deux dieux. L’absence de Saturne retient notre attention car il est
possible que le dispositif de Manilius soit activé par le passage de Saturne, justement, à travers les 12 signes. On notera que les astrologues modernes sont allés dans le sens de Manilius en ce qui concerne Cérès attribué souvent à la Vierge et Neptune généralement lié aux poissons.
Autre page célébré, celle de l’Homme Zodiaque. Et cette fois Manilius place le bélier à la tête « en tant que chef des signes » jusqu’aux poissons qui « exercent leur juridiction sur les pieds »
Manilius note une certaine incompatibilité entre trigones réunissant pourtant des signes de même sexe mais opposés/ Il déclare qu’il y a « de l’affinité entre les signes d’un tétragone (carré) » En cela
Manilius diffère de Ptolémée qui voit dans le carré un aspect conflictuel du fait de la différence des sexes des deux signes concernés. L’auteur voit plus le conflit dans les signes opposés mais pas , on l’ a vu, dans le cas du bélier et de la balance, deux signes équinoxiaux.
Sur le terme dodécatomérie, Ptolémée pense que cela concerne un signe, un douzième du cercle alors que Manilius pense que c’est un douzième de signe, soit deux degrés et demi.
Sur les maisons, Manilius déclare « La nature de la maison est plus forte que celle du signe » Il nous semble que Manilius – qui ne numérote pas les maisons- les situe à l’inverse de la pratique actuelle, c’est-à-dire en commençant par les maisons au-dessus de l’horizon. Pingré a donc tort de donner en note les numéros habituels des maisons.
Manilius expose ici un système qui associe les planètes aux maisons (« joies » cf. notre étude sur ce sujet) On retrouve l’opposition Soleil-Lune, avec comme noms Dieu et Déesse pour les maisons correspondantes.
Passons au Livre III des Astrologiques.
Etrangement, Manilius semble distinguer entre les 12 maisons et les 12 « sorts ». On a là deux dispositifs qu’il tente de différencier. Que recouvrent les « sorts » ?
« Tous les travaux, toutes les professions, tous les arts , tous les événements qui
peuvent remplir la vie des hommes, la nature les a rassemblés et les a divisés en autant de classes qu’elle avait placé de signes au ciel »
Dans le Livre IV, Manilius revient sur les dieux attribués à chaque signe et en fait propose carrément une caractérologie zodiacale dont on peut penser qu’elle concerne plutôt l’ascendant que la position du Soleil : « Je vais d’abord détailler par ordre les mœurs, les affections, les inclinations, les professions vers lesquelles nous sommes entrainés par les signes célestes. Il part carrément de la symbolique du signe. « Le bélier dont la riche toison produit des laines si utiles espère toujours la renouveler lorsqu’elle lui est enlevée’ Suit tout un discours sur le déroulement de la vie du signe et de même pour les 11 autres signes. Et Manilius de conclure sa galerie de portraits (qui n’a guère à envier aux
Caractères de La Bruyère) « Telles sont les mœurs, telles sont les occupations que les douze signes
Inspirent à l’homme naissant » Mais il ajoute que chaque signe se divise en décans – division reprise dans les horoscopes de presse à leurs débuts. Il y a 36 décans.
Manilius signale des degrés critiques pour chaque signe. Plus loin, il note le signe qui se lève à la
Naissance, donc l’Ascendant « Ceux dont la naissance concourt avec le lever des premières étoiles du Taureau sont mous et efféminés (…) Quand la noire écrevisse commence à s’élever » (…) Lorsque la balance (..) commence à s’élever sur l’horizon (…) Cherchez-vous un homme intègre ; irréprochable ; d’une probité éprouvée, c’est sous l’Ascendant des premières étoiles du verseau que vous le verrez naitre »
Livre V Ce cinquième livre est tout plein des constellations. Cela ne fait que confirmer le fait que tout ce que dit Manilius sur l’Ascendant concerne bel et bien les constellations et non les « signes ». Cohabitent chez cet auteur le référentiel saisonnier et le référentiel stellaire. Le mot Horoscope d’ailleurs par son étymologie comporte cette dimension visuelle (scope) et d’ailleurs que signifie un ascendant vide de planètes ? Il est clair que l’Ascendant comporte inévitablement au départ des étoiles (fixes) car il y a bien plus d’étoiles que de planètes et donc il était impossible qu’il n’y ait tôt ou tard un astre qui se lève à la naissance d’un nouveau-né.
Conclusions : les études que nous avons basées sur ces 4 volumes parus dans les années 70 ont constitué un bagage pour nombre d’astrologues. Nous soulignerons tout particulièrement l’importance accordée à la dialectique sexuelle qui se sera singulièrement estompée de nos jours.
Chez Manilius, il y a équilibre entre le nombre de dieux et de déesses sans la moindre référence aux planètes que d’ailleurs il ne mentionne même pas tout au long de ses cinq livres. Manilius expose une astrologie des étoiles bien plus que des planètes et pourtant il prend la peine de préciser que les aspects ne concernent pas seulement les rapports entre signes mais que cela implique d’indiquer les degrés, ce que ne fait pas Ptolémée qui n’aborde même pas ce point et en reste à des relations de signe à signe. Le seul facteur mobile que Manilius semble envisager est l’Ascendant. Comme nous l’avons dit ailleurs, Ptolémée nous apparait comme un réformateur de l’Astrologie, à l’aune de l’astronomie et non comme un simple compilateur –comme on voudrait nous le faire croire- se contentant de transmettre la « Tradition », ce qui est très loin d’être le cas.
JHB
09. 07. 14
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