Le Noble et le revival astrologique de la fin du XVIIe siècle
Posté par nofim le 16 juillet 2014
L’astrologie d’Eustache Le Noble et le renouveau de la fin du XVIIe siècle.
Par Jacques Halbronn
Etudiant le volume qu’Etteilla consacra en 1785 à l’astrologie, (-Ed Trédaniel 1993) nous avons été incités à revenir sur le traité astrologique d’Eustache Le Noble, alias baron de Saint Georges (au privilége) dont on connait trois éditons entre les années 1690 et 1720, à Paris puis à l’étranger sous le nom d’Uranie ou Les Tableaux des philosophes
Comme à notre habitude , ce qui retiendra notre attention concernera l’évolution et la diversité propre au corpus astrologique. L’ouvrage de Le Noble parait 40 ans après les Remarques
Astrologiques de Morin de Villefranche (1654). Il se distingue en cela qu’il intégre l’astrologie au sein d’un ensemble plus vaste, d’où son titre. Mais déjà Morin, au début de son Astrologia Gallicas (1661) avait produit des développements « philosophiques » (en latin)
Ce n’est qu’en 1697 que le volume consacré à l’Astrologie parait, trois ans après les deux premiers. Il
connaitra deux autres éditions dans le premier tiers du siècle suivant mais au sein des œuvres complétes et non sous une forme séparée comme en 1697.En 1718, les Oeuvres complétes paraissent à Paris chez Pierre Ribou et à La Haye chez P. Du Marteau.(libraire qui est
également signalé à Cologne et censé avoir publié certaines éditions de Pierre Bayle sur la Cométe de 1680. Une dernière édition, sans
mention de libraire nous est parvenue avec la date de 1726, toujours avec la mention de La Haye. (BNF 8° Z 5591 (17)
On notera que Lynn Thorndike ne mentionne pas
cet auteur dans son chapitre consacré à l’Astrologie
après 1650 (History of Magic and Experimental Science
Vol VIII, XVIIe siècle pp. 307 et seq, Columbia University
Press 1958 ), ce qui fausse sensiblement sa perception
de la fin du dit siècle au regard de l’astrologie, alors que
Bayle fait référence à Le Noble dans ses textes sur la Cométe.
En cela, Le Noble sera plus chanceux que son contemporain, un autre aristocrate, le comte Henry de Boulainvilliers dont la production
astrologique en resta au stade du manuscrit juqu’à ce que l’on édite au XXes siècle (Ed. du Nouvel Humanisme, 1947).
La partie astrologique se situe en fait à cheval sur les deux parties (V et VI) du dit troisiéme volume car Le Noble a cru bon d’exposer les bases de l’astrologie séparément de ses applications en les associant à la partie astronomique puisque le dit volume associe astronomie et astrologie.
D’une certaine façon, l’on peut dire que Le Noble tente de réhabiliter l’astrologie et on peut dire qu’il inaugure une dynamique propre à l’astrologie française que l’on retrouvera à la fin de chaque siècle, désormais, donc à la fin du XVIIIe avec Etteilla, à la fin du XIXe siècle avec le polytechnicien Choinard, Selva (alias Vlés) et quelques autres et à la fin du XXe siècle, avec nos propres recherches. A chaque fois, l’on annoncera un renouveau de l’astrologie dégagée de ses scories.
En ce qui concerne Le Noble, à l’instar d’un Kepler (Tertius Interveniens) un siècle plus tôt et donc qui s’inscrit, lui aussi, dans cette dynamique de fin de siècle, n’a pas de mots trop durs pour certains astrologues de son temps « qui ne peuvent souffrir qu’on retranche la moindre chose de leurs chimères parce que c’est leur ôter le fondement de toute la fumée qu’ils vendent aux dupes ». Il traite l’astrologie d’ « art conjectural »
Le Noble s’arrête assez longuement sur a théorie astrologique des aspects et l’apport de Kepler, justement, qu’il n’approuve pas et il s’en tient aux aspects du Quadripartit de Ptolémée et aux antisces.
« Kepler par une invention très ingénieuse a voulu aussi accommoder les aspects aux consonances
Harmoniques & après avoir approuvé les six (aspects) de Ptolomée il a cru qu’on devoit y ajouter
Le sesquiquadrat de 135° qui ne coupe point le cercle en parties égales & le quintile & biquintile, l’un de 72° & l’autre de 144° mais nulle expérience ne favorise son invention. Il faut donc s’en tenir au sentiment de Ptolomée » (Livre V). Le quinconce n’est donc pas retenu dans son « Traité de la Science Céleste » On apprécira la « valeur » de l’argument de Le Noble quant au verdict de la pratique. En effet,
s’il est une discipline qui doit, selon nous, s’en tenir, à un argument en amont, c’est bien l’astrologie car attendre le résultat final va
à l’encontre de toute démarche prédictive.
Le Noble se référe également à Morin de Villefranche « dans son gros volume de l’Astrologie Française » (en fait Astrologia Gallica, La Haye 1661, en latin à moins qu’il n’ait existé une édition française inconnue)
Il annonce un commentaire (resté inédit) de la Tétrabible » si je donne jamais au public ce que j’ai fait sur le Quadripartit de Ptolomée ou je confonds quantité d’erreurs de ce Prince des Astrologues » En 1693, Le Noble avait publié une Dissertation Chronologique touchant l’année de la naissance de Jésus Christ (Paris Claude Mazuel) qui recourt à l’astrologie. Il la considérait comme le prélude son traité de 1697. C’est d’ailleurs à Paris, chez G. De luynes (mais imprimé par le même Mazuel) que paraitront les dits Tableaux.
Que dit Le Noble sur l’astrologie à la fin de sa Dissertation consacrée à un sujet- celui de la naissance de Jésus – dont ont traité Cardan et Jean-Baptiste Morin (après Pierre d’Ailly), qu’il mentionne. (pp. 193 et seq) Il répond ainsi aux « ennemis jurés de l’astrologie » (dont Pic de la Mirandole) sur la division en 4 et en 12 du Zodiaque. « Cette division a même encore un fondement plus réel dans les douze révolutions synodiques de la Lune avec le Soleil auquel elle se joint douze fois pendant qu’il fait le cours du Zodiaque »/ Le Noblr rejette en revanche le symbolisme zodiacal. Il expose ensuite la place des 4 Eléments en astrologie et la question des trigones (trine) facteur de sympathie. Mais ile ne met pas en avant le fait que les signes de même triplicité sont de même sexe comme le fait Ptolémée. Le Noble associe le trigone aux conjonctions Jupiter-Saturne « ne se joignant l’un à l’autre que de vingt ans en vingt ans (…) se joindront l’an 1703 dans le Bélier, l’an 1723 dans le Sagittaire et l’an 1743, ils reviendront ensemble dans le Bélier »’comme en 1683), soit autant de signes de feu.
Le Noble annonce- dans sa Dissertation comme le faisait Morin pour son Astrologia Gallica dans ses Remarques Astrologiques, la parution prochaine de son Uranie. (p. 230). « j’y montre que pourvu que l’astrologue se renferme dans les bornes Physiques avec un dépouillement entier de toutes les fictions Arabesques, cette Science ne répugne pas à la plus sévére Théologie (..) La démangeaison de
prédire a emporté la plupart des Astrologues est ce qui l’a rendue blasmable »
Le cas Le Noble témoigne en tout cas d’une situation de l’astrologie à l’aube du XVIIIe siècle qui n’est pas celle d’une pratique interdite comme d’aucuns semblent vouloir le faire croire. Et on ne sera donc pas surpris qu’en 1785, Le Noble soit évoqué et cité par Etteilla pour ses Tableaux des Philosophes. La démarche apologétique de Le Noble consiste à se démarquer de certains astrologues. Rappelons que si nous avons été mis sur sa trace, c’est grâce à Pierre Bayle dans les textes liés à ses Pensées sur la Cométe. Tel le phoenix, on voit que l’astrologie ne manque jamais tôt ou tard de renaitre de ses cendres mais cela signifie aussi qu’elle connait autant d’éclipses entre deux
renouveaux. Force est d’ailleurs de constater que la plupart des historiens de l’astrologie, avant nos travaux bibliographiques (CATAF) n’avaient connaissance ni de l’apport de Le Noble ni de celui d’Etteilla à la cause de l’astrologie et ne mentionnaient que la « renaissance » de la fin du XIXe siècle.
Au XVIIIe siècle, les Tableaux des Philosophes paraitront
au sein des Oeuvres complétes de cet auteur qui ne s’est
nullement limité au domaine de l’astrologie.
JHB
17 07 14
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