Sérendipité et mutationisme darwinien
Posté par nofim le 16 octobre 2014
Darwin: musique et théorie de l’évolution
par Jacques Halbronn
Récemment, dans un selfie, nous avions envisagé lors d’une masterclass d’improvisation musicale
la possibilité que Darwin aurait pu être influencé par la création musicale. Or, nous découvrons
que cette piste a été prise en considération par certains chercheurs (cf Philippe Lalitte,
« La théorie de l’évolution de Darwin peut-elle vraiment s’appliquer à la musique ? »). On peut
y lire : « Une étude des chercheurs de l’Imperial College de Londres affirme que la musique évolue selon la théorie de Darwin, les « meilleurs » morceaux trouvant leur public et devenant des standards (..) Le type d’algorithme que les chercheurs Robert MacCallum et Armand Leroi ont utilisé pour DarwinTunes est assez astucieux. Il pourrait même servir d’outil pour composer de la musique (bien que, dans les exemples donnés, il ne fonctionne qu’avec une gamme pentatonique – cinq notes). (…) il est reconnu aujourd’hui que la musique a joué un rôle primordial dans le développement humain. Darwin lui-même l’a affirmé : la musique, tout du moins le fait de jouer avec les sons, est liée à la sexualité et à la reproduction chez les animaux. Cela permet d’attirer le partenaire de sexe opposé, de montrer sa vigueur physique. Chez les êtres humains, la musique est présente (d’après les dernières recherches) depuis Homo sapiens. Le plus ancien instrument de musique jamais découvert – 12 fragments d’une flûte façonnée dans un os de vautour qui, reconstituée, mesure environ 22 centimètres – l’a été par l’archéologue Nicholas Conard, de l’université de Tübingen, dans les montagnes souabes (à Geissenklösterle). Conard affirme que la musique aurait donné à l’Homo sapiens un avantage déterminant sur les Néanderthaliens, en améliorant la cohésion sociale et la communication. Effectivement, chanter en groupe, jouer d’un instrument ensemble, danser, crée un lien fort qui renforce la cohésion du groupe. »
Selon nous, Darwin a pu être influencé par la création musicale pour élaborer sa théorie de l’évolution et de
la sélection mais on peut évidemment considérer que ce faisant Darwin aura théorisé le processus
de création musicale. Peut être même est-ce là l’apport principal de Darwin si l’on admet que sa
théorie de l’évolution finisse par être abandonnée à terme. Il apparait en effet que Darwin n’était pas
étranger aux enjeux de l’activité musicale. Benoit Virole ( Le voyage intérieur de Charles Darwin, essai sur la genèse psychologique d’une oeuvre scientifique, Paris : Éd. des archives contemporaines, 2000) note que
Darwin aimait à écouter son épouse Emma jouer du piano.
Selon nous, le processus de création d’une oeuvre musicale – c’est à dire ici d’un ensemble de productions
s’étalant sur plusieurs années- implique en effet une certaine sélection de sonorités par le compositeur qui
vont constituer un certain climat caractérisant son monde.Nous en parlons en connaissance de cause
puisque c’est ainsi que nous procédons, ce dont nous sommes devenus peu à peu de plus en plus conscients.
La thèse que nous soutiendrons ici serait en fait que Darwin -et cela vaut aussi pour l’oeuvre picturale- aurait
élaboré sa théorie en partant du processus créatif au niveau artistique, musical et plastique. Cette thèse
est d’ailleurs plus aisée à accepter pour la sélection des sons et des couleurs que pour l’évolution de l’Humanité. On notera que cette référence à la Création est d’autant plus intéressante que Darwin trouvera en face de lui des « créationistes ». On peut même se demander si le récit de la Création, tel qu’on le trouve
relaté, restitué, dans le Livre de la Genése, n’aurait pu par ailleurs exercé une certaine influence sur la pensée de Darwin.
Si l’on suit le récit des « jours » de la Création, l’on note que Dieu « voit » que c’est bien et que ce faisant il
garde ce qui a ainsi été produit. On est là dans une démarche « a posteriori ». Nous pouvons dire nous-mêmes que nous fonctionnons ainsi : nous produisons des sons et si cela nous convient, nous les conservons, nous
y revenons, nous les privilégions. Or, peut-on contester que le modéle darwinien n’implique pas une telle
démarche de critique rétrospective?
Que dire sur le fond? Est-ce que nous adhérons au modéle darwinien en ce qui concerne son discours
sur l’Evolution même si nous y adhèrons sur le plan artistique?
L’idée d’un processus de l’après coup ne nous inspire guère, hors du champ artistique. Le plan linguistique
est intéressant car il se situe aux confins du domaine que nous avons abordé, tant au niveau visuel qu’auditif. Nous serions plutôt tentés, en tout état de cause, de dire que le langage passe par la mise en
place d’une grammaire, d’une systémique, d’une symétrie. On n’est plus là en face d’une attente, d’une
observation de mutations aléatoires.
Mais si l’on tient même à l’exemple de la création musicale, il est clair qu’en ce qui nous concerne, nous
faisons tout pour produire des « mutations » intéressantes de par nos percussions pianistiques. Nous n’attendons pas passivement qu’elles aient lieu et l’on peut dire que tout compositeur procédera de même.
Pour notre part, nous pensons que les hommes ont fait preuve d’un certain volontarisme, d’une certaine
« recherche » et qu’ils ne se sont pas contentés de « trouver ».(cf Picasso sur la création picturale).
Nous pensons aussi qu’à un certain stade, la recherche conduit à se cristalliser et que le compositeur tend à s’en tenir à un certain style qu’il tendra à perpétuer, à approfondir et qui le rendra reconnaissable entre tous.
On touche au phénoméne de la serendipité qui est à la base de notre propre conception d’un humanisme
échappant au déterminisme et qui est à l’affut, qui guette toute mutation, qui sélectionne ce qu’il a à
retenir du monde. En 1990, nous avions signé un Eloge de l’erreur ( Collectif paru aux Editions Lierre et Coudrier) sous titré ‘créativité de l’erreur » et qui résumait un mémoire de linguistique intitulé Linguistique de l’Erreur (inédit) préparé sous la direction de Louis-Jean Calvet.
L’esprit de seréndipité exige une sorte de prise de distance qui est illustrée dans le récit de la Création. Et Dieu vit que c’était bon, ce qui implique un certain recul, une forme de secondarité (au sens de Le Senne) dont certains semblent mieux dotés que d’autres,ce qui renverrait à ce que nous apeplons l’altérité intérieure.
Bibliographie
La sérendipité, le hasard heureux. dir Daniéle Bourcier & Pek Van Andel Actes du Colloque de
Cerisy Hermann 2011
Pek Van Andel & Danième Bourcier De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit Ed Hermann,, 2013
Jean Jacques L’imprévu ou la science des objets trouvés Ed Odile Jacob; 1990
22 10 14
JHB
16 10 14
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.