La supériorité des signifiants français au prisme de la postérité
Posté par nofim le 10 novembre 2014
La domination des signifiants du français. Une approche socio-linguistique
par Jacques Halbronn
Nous nous sommes longuement demandés ce qui fascinait tant les langues germaniques, slaves ou sémitiques dans la langue française. Une approche comparée évite les explications simplistes comme la Conquéte normande de l’Angleterre par des Normands francophones.
Réduire la domination des mots français en anglais à des considérations de ce type, c’est paaser à côté du probléme voire prendre la
cause pour l’effet.
En fait, pour avancer dans une telle recherche, il était indispensable d’approfondir la notion de signifiant. Qu’est-ce qu’un « bon »
signifiant? Nous répondrons que c’est un signifiant qui préserve et conserve sa souplesse voire son élasticité. Et qu’est ce qui permet
cela? La capacité des locuteurs recourant à de tels signifiants à éviter de figer les signifiants en cristallisant les signifiés qu’on leur associa à un certain moment.
Comme on dit en économie, le marché intérieur agit sur le marché extérieur. Dès lors que les francophones ont montré qu »‘ils
étaient capables de faire évoluer les rapports signifiants/signifiés, plutôt que d’emprunter des mots étrangers, la partie était gagné.
Il y a deux façons de procéder: soit l’on associe des sens nouveaux à un mot donné déjà existant, soit à partir d’un mot, on en produit
d’autres, comme c’est le cas des substantifs formés à partir d’un verbe ou d’un adjectif (ou d’un participe). Par exemple
gouverne donne gouvernement, brave/bravoure etc. La formation des adverbes à partir d’adjectifs ou de participe est également
à considérer.
En quoi cela encourage-t-il les autres langues dites (« étrangères ») à adopter des mots français? Notre réponse est la suivante : puisque dans telle langue, les signifiants sont protéiformes, on peut raisonnablement penser qu’ils s’adapteront et s’ajusteront aisément
dans une autre langue.
Dans nos deux grands mémoires de linguistique(« Linguistique
de l’erreur et épistemologie populaire » et « Essai de description critique du systéme du
français à la lumière des relatios interlinguistiques »
de 1987 et 1989 (préparés sous la direction de Louis-Jean Calvet, Université Paris V), nous
avions notamment montré que de nombreux mots français empruntés par l’anglais pouvvaient être classés selon un critère suffixal :
familles de mots se terminant en « ure », « ine », « ment, » etc. Or, tous ces mots dotés d’un certain suffixe étaient des dérivés d’autres mots,
en une sorte de quasi homonymie comparable à celles qui prévaut pour les conjugaisons et les déclinaisons (quand il y en a). Le fait qu’une langue produise un grand nombre de dérivés lexicaux est le signe d’une certaine dynamique. Mais cela n’est possible qu’à
condition qu’un consensus puisse accompagner une telle évolution. Or, d’une certaine façon, il semble plus facile de faire accepter un nouveau signifiant que d’associer un nouveau signifié à un ancien signifiant. C’est justement une telle difficulté – sociolinguistique- qui aura conduit la langue anglaise à tant s’endetter, et tout particulièrement par rapport au français, avec cette excuse qu’elle n’a pas été
la seule dans son cas. A contrario, tout se passe comme si les francophone se soient montrés plus aptes à élargir tant leurs
signifiants que leurs signifiés plutôt que de se résoudre à emprunter.
C’est ainsi que les signifiants français seraient parvenus à dominer le « marché » (le commerce) des mots sur le plan des échanges
internationaux tout comme tel pays aura imposé sa production industrielle, ce qui faciliterait ses perspectives d’exportation, du fait d’un certain gage de qualité.
Au lieu de comprendre que ce sont les locuteurs qui auront permis aux signifiants de s’enrichir par le jeu d’une croissance
interne, il semble que l’on ait cru que c’étaient les mots eux-mêmes qui avaient un certain mérite. C »‘est dire que pour nous,
la langue est largement tributaire d’une culture, d’une mentalité.
Rappelons que notre description de la langue française implique aussi d’avoir à observer que son « économie » passe aussi
par les préfixes dès lors qu’une même « racine » verbale peut varier dans ses significations par le biais d’un changement de préfixe.
(cf notre étude in Revue Française d’Histoire du Livre 2011). Or, dans bien des cas, l’anglais là où le français n’utilise qu’une seule
racine et une série de préfixes , optera pour des signifiants radicalement différents les uns des autres. Ce qui en fait une langue pléthorique et comme disent fièrement d’aucuns- anglophiles- »plus riche » que le français comme si une telle profusion était rassurante.
On peut dire que le français aura su faire oublier qu’il est lié
à une culture donnée tout comme l’alphabet latin a montré
qu’il pouvait aider à transcrire n’importe quelle langue et
n »était pas lié à telle ou telle culture. Avec le français, la
langue devenait un outil universel assimilable et utilisable
par n’importe quelle langue au sein de n’importe quelle
culture.
Tout indique en effet que diverses langues ont partagé la
même conviction à l’égard du français, qu’il s’agissait
d’une technique que tout le monde pouvait s’approprier
comme le fait d’utiliser une voiture française par exemple
pouvait être le fait de n’importe qui, quelle que soit son
origine. En fait, le français est la langue qui a réussi à
se présenter comme un outil dont chacun pouvait se
servir, un réservoir de mots dans lequel tout le monde
pouvait puiser, à sa guise.. Mais cela n’exclue aucunement,
bien au contraire, que ces mots soient considérés comme
une marchandise impliquant quelque redevance ou en t
tout cas pouvant servir de monnaie d’échange!
Nous avons également signalé que les emprunts ne se
limitaient pas à des mots, mais pouvaient concerner le
traitement genéral de la langue emprunteuse, son
système de prononciation, sa grammaire, qu’il s’agisse de
mots empruntés ou non. (cas des formées « ai » (ou ay),
au, prononcées à la française, toutes catégories
confondues, usage de la forme « ed » pour marquer le
prétérit et le participe, au delà des verbes empruntés
au français), usage du préfixe « en » que l’on trouve
dans enjoy, et qui sous entend « mettre » (mettre en joie)
(aussi encourage, enforce, enable, mais que l’on retrouve dans enlighten)
Il nous apparait que la langue française a été extrémememnt
bien gérée et c’est ce qui a établi sa supériorité, du fait
d’une certaine économie de moyens et en ce sens il a
certainement existé un « modéle français » dans le domaine
des langues, comme il y en a eu un sur le plan juridique
(avec le code Napoléon) hors des frontières de la France.
Le fait que les mots ainsi empruntés aient pu évoluer
du fait de leur importation par telle ou telle langue -comme
ils ont d’ailleurs évolué avec le temps pour la langue
française elle-même- ne saurait remettre en question
cette domination bien au contraire. Le français a fourni
des signifiants qui peuvent s’acclimater dans les contextes
les plus divers.L’étude de ce rayonnement s’appelle
francologie.
(cf le groupe francologie sur facebook)
A titre symbolique, nous rappellerons la fortune de la forme
« United » que l’on retrouve dans United States of
America (USA), dans United Kingdom (Royaume Uni),
dans United Nations (ONU). Il s’agit au regard du français
d’un barbarisme – comme l’on disait dans les thèmes latins
quand on produit une forme inexistante dans la langue
de référence. Et il est vrai que cette forme « United »
est tout à fait emblématique de l’empreinte du français
sur le monde anglo-saxon en ce qu’elle montre un au delà
du français – qui en est aussi le prolongement. United
comporte le Un français, alors même que les anglophones
ne le connaissent pas, ayant adopté « one ». Il est le passage
du substantif « Unité » à une forme adjectival, à un
participe marqué par la finale « ed ». Là où le français dit
« uni », l’anglais francisé dit « united », ce qui est évidemment
plus lourd et plus long.
Précisons que la forme « United Kingdom » est apparue en
1707 donc bien avant les USA. En 1801, le Royaume
de Grande Bretagne devint le Royaume de Grande
Bretagne et d’Irlande puis en 1922, Royaume Uni de GB et
d’Irlande du Nord.
C’est en 1776 que la forme USA fut adoptée à l’instigation
de Thomas Paine, faisant donc pendant en quelque sorte
à l’United Kingdom de l’autre côté de l’Atlantique.
Quant à l’ONU, elle a été fondée le 26 juin 1945 ,
à San Francisco (US) et tous les mots constituant c
titre sont d’origine française : United Nations Organisation.,
Or, en 1801, l’Angleterre en guerre avec la France reprendra
cette forme United Kingdom (cf supra), ce qui montre
qu’à cette époque, la langue était considérée comme un
outil, au même titre, on l’a dit, qu’un alphabet, une
technique qui dépassait son point origine. Peut-on dire
de même de nos jours de l’anglais qui serait devenu
à sa façon un « outil » à la disposition de tout un chacun?
La différence, c’est que cet outil qu’est l’anglais est exploité en
paralléle, comme l’était le latin jusqu’au XVIIe siècle, sans
que cela affecte outre mesure l’essor des langues
vernaculaires au premier rang desquelles on placera le
français.
L’exploit du français aura consisté à introduire une
diglossie et non un bilinguisme, c’est à dire à rendre
hybride un grand nombre de langues alors que le français
globalement parvenait largement à échapper à ce sort (cf toutefois
R. Etiemble, Parlez-vous franglais?) Ainsi le français
parvenait à unifier le monde et à contrer sa babélisation
parallélement à l’adoption générale de l’alphabet latin
et du calendrier catholique (ère chrétienne, nom des mois)
En ce sens, nous dirons que le français est le prototype
de la vision linguistique qui devrait être celle du XXIe
siècle et du Troisiéme Millénaire, à savoir l’entrée de la
langue dans le champ de la Techno-science. Cela signifie
qu’une langue pourra désormais être corrigée, rectifiée
comme on le fait pour un outil et ne sera plus considérée
comme un phénoméne sur lequel l’Humanité n’aurait
pas prise et ne pourrait- ce qui serait paradoxal- exercer
son contrôle. Nous avons déjà signalé certaines
modifications à apporter dans le systéme du français
en mettant en évidence le projet initial et sa détérioration
Il est clair que pour des langues par trop abâtardies,
cela ne serait que la mise d’un emplâtre sur une jambe de
bois.
JHB
11 11 14
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