La philosophie de l’égalité des sexes et l’esprit de la Révolution
Posté par nofim le 20 novembre 2014
La Nuit du 4 août 1789 et la naissance du féminisme moderne : la Vindication
de Mary Wollstonecraft (1792)
par Jacques Halbronn
Une des avocates les plus remarquables de l’égalité des droits de l’homme et de
la femme semble avoir été l’Anglaise Mary Wollstoncraft
et sa Vindication of the Rights of Woman, Londres, 1792 (BNF R 24000) dont l’ouvrage est dédié
à Talleyrand, au lendemain de la promulgation de la « Constitution »
. On y lit dans la préface à Taleyrand (cf trad Marie-France Cachin, Payot 1976)
quelques points qui serviront de base à une réflexion sur les origines du féminisme
moderne, fortement liées à la Révolution Française.
« le désir ardent de voir la femme placée dans une position où elle puisse favoriser
au lieu de le freiner le progrès des nobles principes sur lesquels se fonde la morale »
(…) Dans ma lutte pour les droits des femmes, mon argument principal est fondé
sur le principe simple que si la femme n’est pas préparée par l’éducation à devenir
la compagne de l’homme, elle arrêtera le progrès du savoir et de la vertu (…) Si l’on veut
inculquer à des enfants les vrais principes du patriotisme, il faut que leur mère éprouve
ce sentiment (…) L’éducation et la situation sociale de la femme aujourd’hui lui
interdisent de telles spéculations »
« l’idée selon laquelle chaque sexe a un caractère particulier va à l’encontre de la
morale »
« Si les femmes ne peuvent pas jouir de leurs droits légitimes, elles chercheront
en se corrompant et en corrompant les hommes à obtenir des priviléges illicites »
» Si les droits théoriques de l’homme se pretent à la discussion et à l’explication
ceux de la femme par analogie pourront être évalués suivant les mêmes critères »
En quoi consiste donc l’argumentation de Mary Wollstonecraft?
Nous commencerons par le point suivant: vu que les femmes font partie de facto
de la société humaine, il convient de craindre leur faculté de nuisance, si elles ne sont
pas traitées équitablement, ce qui en fera un « frein » pour le progrès envisagé.
Un autre point tient à l’argument « analogique » et en quelque sorte symétrique, comme en
un jeu de miroirs. Ce qui vaut pour l’un vaudrait ipso facto pour l’autre. C’est ce que
nous enseignerait la « raison ».
Il convient de nous situer, pour suivre le raisonnement de l’auteur, dans l’esprit du temps
(Zeitgeist), qui vise à tout repenser -(à la façon de Descartes), à partir ex nihilo, en
quelque sorte. Autrement dit, ne serait-il pas « logique » que du moins sur le papier
l’on posât d’entrée de jeu l’égalité, la non différence entre les sexes, comme idéal
à atteindre?
L’auteur flatte ainsi l’ego masculin en l’incitant à relever le défi de l’égalité entre hommes et
femmes alors que cette égalité a été instituée dans d’autres domaines restés si
longtemps séparés (les trois « Etats » cf la nuit du 4 Août 1789, trois ans avant
la parution de la « Vindication » (Défense).
L’idée de mettre fin à tout ce qui pourrait entraver le cours du Progrès est
exploitée par l’auteur. On doit faire tomber les barrières de toutes sortes. Rien
ne saurait plus résister à l’empire de la Raison. On est là dans un monde de l’utopie
qui connaitra un écho chez le « socialiste » Charles Fourier, très concerné par la place des femmes dans
la société ( Théorie des Quatre Mouvements et des Destinées en général, 1808, avec
le Nouveau monde Amoureux dans les éditions suivantes)
Mary Wollstonecraft accorde la plus grande importance à l’éducation, ce qui reste
une constante du féminisme contemporain.(cf la préface à la première édition). Il faut
donc « réformer » l’esprit des femmes qui ne rêvent que d’être un objet d’adoration.
Au bout du compte, l’auteur -à propos de son « plan » - fait la proposition suivante : « Que les hommes deviennent plus chastes
et plus honnêtes et si alors les femmes ne deviennent pas proportionnellement
plus sages, il sera clair qu’elles sont moins intelligentes que les hommes » L’auteur
préconise la mixité dans les écoles. On en revient au
véritable enjeu si ce n’est que la vraie question est celle
d’une minorité créatrice en tout état de cause et non d’un niveau
moyen de la majorité.
Dans le corps de l’ouvrage, l’auteur prend volontiers à parti Jean-Jacques Rousseau, qui
n’entend pas accorder aux femmes une égalité avec les hommes. Elle n’hésite pas
à évoquer les relations du philosophe avec les femmes.
Mais le mot révolution résonne de façon magique:
« Conclusions sur le progrès moral qu’on pourrait naturellement attendre d’une
révolution dans les moeurs féminines » (Ch. XIII)
Mary Wollstonecraft nous semble profondément marquée par une approche
philosophique liée à la pratique langagière. Si notre langage peut désigner un ensemble
par un seul et même terme, ne serait-ce pas, nous laisse-t-on entendre, qu’il n’y a pas
ou plus lieu de distinguer entre les éléments composant le dit ensemble. Or, pour cet
auteur, la philosophie ne pense pas la dualité hommes-femmes et donc cette dualité
ne devrait rien à la Raison. L’auteur instrumentalise en quelque sorte notre faculté
d’abstraction pour conclure que si nous pouvons dépasser intellectuellement,
conceptuellement, les clivages, c »est que ceux-ci n’ont pas lieu d’être. En ce sens, la
philosophie serait révolutionnaire et donc source de progrès.
JHB
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