La dimension germanique de la langue française
Posté par nofim le 21 novembre 2014
Le français comme synergie entre langues latines et germaniques
par Jacques Halbronn
Nous nous sommes demandés récemment ce qui a fait de la langue française ce
qu’elle est et sa supériorité par rapport aux autres langues latines(italien, espagnol,
portugais etc) dans leur rapport avec les langues du nord de l’Europe. En quoi
d’ailleurs les langues latines se distinguent-elles entre elles en dehors de quelques
particularités comme la disparition du « p » en castillan dans les verbes comme
llorar (pleurer), lleno (plein), lluever (pleuvoir), ou du « c » dans llamar (clamer)
llave (clef), ce que l’on appelle des aphéréses par opposition aux apocopes, qui
concernent l »élision en fin de mots. On trouve ce même phénoméne en hébreu
avec « lev » (en arabe qalb), le coeur, pour ce qui est des langues sémitiques. L’on connait
aussi le passage du g allemand au w anglais: Sorge, sorrow, Morgen, (to)morrow.
Il serait bon de ne pas oublier la prononciation laquelle peut ne pas apparaitre au niveau
de l’écrit. Le fait, notamment, de ne pas rendre la consonne finale en français ne vaut
qu’à l’oral.
Or, cette apocope « orale » de la consonne – qui a souvent du précéder dans certaines
langues la forme écrite- apparait comme un marqueur de genre en français, ce
qui n’est nullement le cas des autres langues latines. Alors qu’en français, c’est
la (non)prononciation de la finale qui détermine le genre, dans les autres langues
latines, le o correspond au masculin et le a au féminin, en réglé générale. Mais
qu’en est-il en hébreu? Il n’en est pas ainsi et l’hébreu en ce sens est à rapprocher
du français : qatan (petit) donne au féminin « quetana ». C’est également ainsi
qu’il en est en allemand avec klein (petit) et kleine (petite). On retrouve le procédé
en russe où le féminin est indiquée par une voyelle venant s’ajouter à la consonne
masculine: Krassiv (beau), Krassiva ( belle)., donc selon des modalités fort proches
de l’hébreu. Le russe d’ailleurs, à l’instar des langues sémitiques, n’a pas de verbe
avoir, stricto sensu et construit cette notion comme ces langues par la forme: c’est à moi.
‘Ou miénia, en hébreu iech li, en arabe andi) avec un verbe être qui lui-même est
comme sous entendu. Ceci à moi plutôt que ceci est à moi.
On saisit bien entendu les différences entre ces trois langues , le français, l’allemand
et l’hébreu. L’allemand prononce la consonne finale et marque le féminin par le « e »
(qui n’est pas du tout muet, que l’on peut rendre par un ö). Le e final de petite
est beaucoup moins marqué que le e final de « kleine ». Et quant à l’hébreu, il recourt
à la finale « a » et non à « e », et en ce sens se rapproche du modéle latin du moins
pour le féminin avec des expressions étranges comme le pronom personnel
Ata, qui désigne le tu au masculin et At au féminin, ce qui va à l’encontre de la régle
mais qui montre bien que l’opposition est consonne/voyelle en hébreu, en
allemand et français et non voyelle/voyelle, ce qui nous semble faire de la voyelle
un élément féminin qui est évacué dans l’écrit des langues sémitiques comme
donnée supplétive.. Un cas célébre est celui de Ish et Isha, au début de la Génése pour
désigner l’homme et la femme. L’adjonction du a correspond à l’idée que la femme se situe
dans le prolongement de l’homme dans les langues qui ont un féminin plus long, ce qui est le cas
du français mais point celui des autres langues latines.
On aura donc compris que le français et l’allemand comportent des similitudes
en ce qui concerne les marqueurs de genre et c’est ce qui nous permet de déclarer
que la langue française a un substrat germanique qui détermine sa différence
par rapport aux autres langues latines. Le nom même de France ne renvoie-t-il pas
à un peuplade germanique, les Francs (la France est encore appelée en allemand
Frankreich)?
Cela n ‘aura pas été- on le conçoit- sans influence sur la formation de l’anglais
largement sous influence française. Mais l’anglais aura évolué vers un autre stade,
à savoir l’absence de marqueurs de genre pour les adjectifs, ce qui n’est nullement
le cas en allemand ou en français. Cette évolution est très vraisemblablement due
à une certaine « lecture » du français d’autant – comme on l’a dit- que le « e » marqueur
du féminin en français est bien plus atténué que le « e’ allemand dans cette même
fonction. C’est pourquoi les Français prononcent « Goeth » au lieu de Goethö » pour
Goethe. On a d’ailleurs le même probléme avec les marqueurs de pluriel en français
qui sont imperceptibles à l’oral, ce qui aura conduit l’anglais à renoncer aux
marqueurs de pluriel pour les adjectifs. Quand à la conjugaison, la « neutralité »
de l’anglais tient probablement à la non prononciation de la forme ‘ent » à la troisiéme
personne du pluriel français, à quelques exceptions près notamment pour les auxiliaires
être et avoir ainsi que faire (sont, ont, font), ce qui donne l’impression d’un caractère
invariable du verbe pour un observateur superficiel.
En conclusion, nous dirons que le français a germanisé le latin et a adopté pour
les marqueurs de genre, notamment au regard de l’adjectif, un modéle que
l’on retrouve tant dans les langues germaniques que slaves ou sémitiques, ce qui
fait en cela des langues latines une sorte d’exception. Et cela semblerait pouvoir
expliquer ce qui a permis aux mots français (mais aussi largement à la langue,
à certaines périodes) de pénétrer, de s’infiltrer au sein des dites langues
germaniques, slaves et sémitiques (notamment au niveau dialectal, parlé). Sans
ce profil spécifique de ce latin rendu à la mode germanique, il est probable que
la fortune du français hors du domaine latin eût été sensiblement moins marquante.
Comme on l’a dit plus haut, le type de marqueurs de genre pourrait correspondre à une
certaine idée de l’homme et de la femme. Inégalité au nord mais aussi dans le monde sémitique avec la femme perçue comme
prolongement de l’homme et donc un féminin mis en place par une addition et égalité au sud avec un
féminin recevant un traitement paralléle des deux genres : avec dans un cas la finale O et dans l’autre la finale A.
JHB
27 11 14
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.