Vers une civilisation de l’oralité
Posté par nofim le 25 novembre 2014
La dialectique Oral/écrit, Vie/mort et masculin/féminin ou la nouvelle prise de conscience
par Jacques Halbronn
L’écrit est pour nous symptome de mort. On fait son testament à la veille de mourir ou du moins dans cette perspective. On met par écrit ce que l’on craint de perdre, ce qui est paradoxal dans la mesure où les écrits sont des objets que d’autres peuvent s’approprier ou détruire. Dans la tradition juive, il est à plusieurs reprises indiqué que l’écrit est un constat d’échec, la conséquence d’une crise individuelle et/ou collective. D’aucuns diront que c’est une bonne chose que l’on ait mis tant de documents sur quelque support, que l’on pourra stocker dans des bibliothèques. Voire.
En effet, en principe, le plus important, c’est que les humains soient toujours là et dans le cas des Juifs, qu’ils n’aient pas disparu. Privilégier l’écrit sur l’oral revient à accorder plus d’importance à l’objet, à la machine, qu’à l’être humain, doté de parole, d’une bouche
(oublions ici les handicaps qui sont l’exception qui confirme la règle).
Pour nous, l’enregistrement audio ou vidéo n’est pas assimilable à un écrit même si il y a-en quelque sorte, « gravure » (disque). Grâce
à l’enregistrement, nous renouons avec l’oralité. Idéalement, celui qui a des choses à « dire » devrait pouvoir chaque matin réunir
ses « disciples », son « auditoire » et leur délivrer quelque message lequel message pourra éventuellement être « transcrit » mais cela ne
se fera que dans un deuxiéme temps. Autrefois, quand on ne pouvait enregistrer le son, l’écrit apparaissait comme la « solution » et l’on pense notamment aux compositeurs d’il y a 150 ou 200 ans qui constituaient des partitions. Paradoxalement, le progrès technique nous permet de remonter dans le temps en favorisant la parole. De plus en plus de gens communiquent par le moyen de vidéos et renouent ainsi avec de très anciens réflexes. Peu à peu, l’oral tend à retrouver sa primauté chronologique par rapport à l’écrit.
On revient de loin quand on songe que l’on avait admis un peu vite que l’oral pouvait dériver de l’écrit, d’où l’importance de l’apprentissage de la lecture. Et de fait, de nos jours, on trouve deux populations: celles qui parlent et se présentent devant une caméra par exemple) et celles qui écrivent et qui lisent à voix haute (prompteurs). C’est bien là une dualité sociale majeure et un véritable marqueur social que l’on peut référer à une « lutte des classes », ce qui du temps de Marx n’apparaissait pas avec la même acuité bien que Marx
ait pressenti les effets de l’essor de la technologie sur les comportements humains (cf notre article sur le Manifeste du Parti Communiste)
Nous avons signalé et déploré le fait que, de nos jours, dans les synagogues (mais cela vaudrait certainement ailleurs), la lecture- donc l’écrit- joue un rôle envahissant aux dépens d’une parole que l’on pourrait qualifier de libre, de vivante. Serions-nous, de nos jours, si incapables que cela de nous adresser à Dieu sans recourir à des formules datant de plusieurs siècles? Privilégier l’écrit, ne serait-ce point laisser entendre que nous serions dégénérés, plus à la hauteur de nos aïeux? Il convient de vaincre un tel « complexe » d’infériorité!
Renoncer à l’écrit, l’interdire même, c’est déjà éviter bien des impostures car on a bien conscience que par le truchement de l’écrit, de la lecture à voix haute – et cela est pire quand il n’y a pas d’image, comme à la radio- on est en plein artifice. L’écrit permet de dissimuler, de masquer bien des faiblesses! La lecture à voix haute est par elle-même un expédient qui nous fait penser à un enfant dont on ferait croire qu’il sort du ventre de telle femme alors qu’on aura voulu le faire croire. Tout le monde n’est pas capable de faire la différence entre
une parole qui est en train de naitre et une parole réchauffée, que l’on nous resservirait pour la éniéme fois.
La lecture est un des meilleurs moyens qu’aient trouvé les femmes pour laisser croire qu’elles sont les égales des hommes. Il ets bien
plus facile de s’approprier une parole (ou une partition) écrite qu’une expression orale que l’on ne saurait restituer littéralement. Renoncer
à l’oralité , c’est se priver d’une certaine forme de créativité autrement plus féconde que le seul fait de « déchiffrer » un texte. On se contentera alors de « lire » en y mettant le « ton », s’engageant ainsi dans une démarche visant à faire « revivre » ce qui s’était cristallisé!
On aura compris que nous conseillons de réserver l’apprentissage de la lecture aux petites filles et d’épargner un tel exercice aux
petits garçons, d’où notre rejet des classes « mixtes » dans les premiers temps de l’école qui sont si déterminants.
Ceux qui prônent la mixité croient probablement que l’apprentissage de la lecture est en soi « une bonne chose » pour tout le monde alors
qu’en réalité, cela conduit à féminiser tous les éléves, sans se demander si les effets seront aussi « bénéfiques » pour les deux sexes. Si encore, cela était compensé par un entrainement à l’oralité et à l’improvisation qui sont des valeurs que nous considérons comme
foncièremet masculines. L’idée d’une éducation ne tenant pas compte des sexes est une aberration détestable. On est pleine irresponsabilité. Il n’est de toute façon pas concevable de croire qu’un seul et même systéme puisse convenir aux deux sexes. Si de surcroit,
le personnel d’encadrement est constitué, comme c’est le cas, majoritairement de femmes, on imagine que celles-ci vont tendre dans
le sens de la lecture pour tous. Or, selon nous, les petits garçons devraient aborder la lecture beaucoup plus tard que les petites filles.
En tout état de cause, l’oralité – la vraie et non celle qui dérive de la lecture- a de beaux jours devant elle au vu des progrès techniques, d’autant que les ordinateurs seront de plus en plus réactifs à la parole. De plus en plus notre bouche et nos oreilles primeront sur nos
yeux et nos doigts. D’ailleurs, l’on est en droit de se demander si l’écriture n’est pas faite-au départ, pour les sourds-muets. On pourrait d’ailleurs penser que le rapport des femmes à l’oralité est souvent des plus médiocres et reléve plutôt d’un bavardage compulsif et souvent répétitif -qui fait plus jouer la mémoire que la réflexion – comme on a pu l’observer dans les salles de concert, où elles ne s’arrêtent de causer qu’au tout dernier moment sans comprendre que l’on ait besoin de se recueillir avant que le spectacle ne débute. Or, la parole
vivante ne saurait être répétitive, mais doit constamment se renouveler, se reformuler, à chaque instant, pour chaque interlocuteur. On pourrait ainsi dire que la parole féminine s’apparente à un disque souvent rayé.
JHB
25 11 14
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