L’astrologie dans le traité Shabbat 156 a et b
Posté par nofim le 2 décembre 2014
Le contexte du Ein Mazal à la fin du traité Shabbat du Talmud (156 a et b)
par Jacques Halbronn
Nous revenons ici sur un dossier que nous avons eu l’occasion de traiter longuement par le passé (cf Le monde juif et l’astrologie,
Milan, Ed Arché, 1985 notamment) Nous nous servirons de la traduction française de Désiré Elbéze (La Guemara, coll. dirigée par
le Rabbin Elie Munk, Ed C. L. K. H; 1986 Tome 5 : Chabbat, chapitre XXIV, pp. 139 et seq). Il s’agit du traité Shabbat. (156 a et b) qui se terminerait sur ce sujet si l’on n’y avait point ajouté qui reléve de l’annulation des voeux le Shabbat.
Cela débute par un débat sur les jours de la semaine, ce qui est en effet lié avec la question du Shabbat. Chaque jour de la semaine caractériserait ceux qui sont nés ce jour là (et dont la circoncision aura lieu ce même jour), et cela se relie aux jours de la création et ce qui a été crée dans chaque cas. Et l’on peut ainsi lire « Celui qui nait un Chabbat mourra un *Chabbat parce qu’on a profané pour lui la grande journée du Chabbat »
Mais un autre sage soutient que ce n’est pas le jour de la semaine qui compte mais l’heure de la journée, chaque heure étant associée
à l’une des sept planétes (les luminaires étant mis sur le même pied que les planétes, tant pour les jours de la semaine que pour les heures.) On notera que cette « astrologie » ne tient aucunement compte de la réalité astronomique mais se sert d’une « grille » qui s’est
d’ailleurs perpétuée jusqu’à nous en ce qui concerne le nom des jours de la semaine.
On en arrive ensuite au débat autour du Mazal d’Israël entre Rabbi Hanina (suivi par Rashi) favorable à cette idée et Rabbi Yohanan qui la rejette et l’argument principal semble être le suivant : celui qui pratique assidument les préceptes (mitswoth) de la Loi échapperait aux mauvais penchants de son destin.
Il est intéressant de noter que fait suite à ce débat un développement sur l’annulation qui n’est pas sans lien avec l’idée d’annuler en
quelque sorte les effets de ce qui était prévu par les astres.
Nous ferons le commentaire suivant : la formule « Ein Mazal le Israel » qui fait pendant à la formule inverse « Iesh Mazal le Israel » (cf supra) comporte chaque fois un singulier et non un pluriel. Cela signifie que la vraie question posée par ces formules tient au « choix »
d’un Mazal pour Israël. Les autres développements sur les jours et les heures attribués aux 7 planétes ne sont pas en rapport direct avec
un tel débat. Et quant aux exemples donnés, ils ne fournissent aucune donnée « planétaire » et pourraient concerner n’importe quelle
forme de divination.
Pour notre part, nous préférons donc nous en tenir à ces formules lapidaires et laissant de côté les commentaires qui nous semblent
assez peu appropriés qui leur font suite et les resituer dans la problématique de l’élection, du choix. Or, dans les prières du Shabbat, il
est indiqué que le jour du Shabbat a été choisi parmi les autres jours et que ce choix est emblématique du choix que Dieu a fait du
peuple d’Israel parmi les autres peuples. Pourquoi donc Dieu n’aurait-il pas choisi d’astre pour Israël alors que dans la « seconde «
création- on est passé d’une logique de l’universel à une logique du Tsimtsoum, c’est à dire du rétrécissement, de la focalisation, bref de
l’élection? Est-ce que le Shabbat lui-même ne marque pas un basculement qui conduit à cette réduction? Est-ce qu’aux Six Jours de la
« première création » ne feraient pas suite les Six Jours de la seconde création, correspondant aux « Commandements » (qui pourraient avoir été six et non dix à l’origine)? Il y a là une dualité diachronique qui semble avoir marqué notamment la Kabbale où l’on trouve
cette notion de « tsimtsoum », de repli.
Les protagonistes dont il est question à la fin du traité Shabbat ne semblent pas avoir pris la juste mesure de la formule proposée par
Rabbi Hanina. Le seul fait que ce dernier pose le fait d’un « mazal » (au singulier) réservé pour Israël nous parait essentiel et s’inscrire
dans une série d’élections qui se conjuguent et marquent ce « tsimtsoum ». Ce ne sont pas tous les astres de la « première » création qui
entrent en jeu mais seulement l’un d’entre eux et en ce sens, il importe de situer le propos de Rabbi Hanina en réaction par rapport
aux exposés qui ont précédé son intervention et qui traitaient du « septénaire » (Lune, Soleil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et
Saturne).
Immédiatement après ces exposés sur les 7 « astres », Rabbiu Hanina intervient en déclatant qu’Israel ne dépend que d’un seul « mazal »
d’un seul astre et non d’une pluralité. On passe ainsi soudainement d’un pluralisme astral à l’idée d’un seul et unique astre, tout comme il y a un seul et unique Dieu.
Rappelons en effet que le singuliet Mazal implique un choix car les Mazaloth (ou Mazaroth) sont nombreux, tout comme les peuples le sont. Il semble qu’il y ait un certain flottement quant à la traduction de ces termes qui, en toute état de cause, désignent, certaines
entités répérables astronomiquement. S’agit-il d’une constellation, d’un « signe zodiacal », d’une planète ou d’une étoile fixe (on trouve
ces termes dans Job et dans le Livre des Rois)? On notera que dans le récit de la (première ) Création (Génése), il n’est pas question des planétes mais des luminaires et du firmament, c’est à dire des étoiles (apparemement en un temps où l’on ne savait pas distinguer entre planétes et étoiles).
Or, force est de constater que l’intervention de Rabbi Hanina fait suite à un débat autour des planétes, ce qui nous conduit à penser
qu’ici Mazal désignerait bel et bien une des dites planétes. Mais ce faisant Hanina remet bel et bien en question l’astrologie qui
vient d’être exposée et qui recourt au « Septénaire ». Le « Iesh Mazal le Israel » ne signifierait pas que Mazal équivaudrait à « Astrologie »- ce qui est une lecture irrecevable mais bien « il y a un astre pour Israel », entendez « un seul astre concerne Israel et non point tous ».
L’autre option mise en avant par Rabbi Yohanan, quant à elle, nierait qu’il y ait le moindre astre qui vaudrait pour Israël. Mais là
n’est pas le vrai débat, selon nous: il s’agit bien d’opposer une astrologie du septénaire et une astrologie de l’astre unique, tout comme
l’on oppose le choix du Shabbat à une pratique qui s’intéresserait à tous les jours de la semaine ou à toutes les heures de la journée. A
ce propos, on notera d’ailleurs, que le respect du commandement du Shabbat s’accompagne bel et bien d’une prescription horaire qu
est celle où la nuit apparait; ce qui vaut aussi pour la fin du Shabbat avec l’observation du « Tset Hakokhabim », c’est à dire l’apparition
de trois étoiles, ce qui est prescrit par la liturgie.
La forme hébraïque « Iesh Mazal le Israel » se préte à diverses interprétations. On peit traduire par « Israel a un mazal ». Il semble
que ce singulier ait perturbé les commentateurs qui ont parfois traduit -on l’ a vu- ce « singulier » comme renvoyant à l’Astrologie comme un tout, ce qui est un glissement sémantique tiré par les cheveux. On peut aussi rendre « Ein Mazal le Israel » par Israel n’ pas qu’un seul Mazal plutôt que par Israel n’a pas un seul Mazal. L’hébreu n’utilise pas l’article indéfini comme le français. Iesh Mazal doit être rendu par « Il y a un Mazal »., ce qui peut aussi vouloir dire « un seul Mazal ».
On aurait alors au départ un débat entre Rabbi Hanina qui refuse
que l’on se serve de toutes les planétes pour connaitre le comportement ou le destin des personnes et un Rabbbi Yohanan qui soutient
que ce sont bien toutes les planétes qui entrent en jeu.
Autrement dit, nous aurions face à face – si on laisse de côté les développements subséquents :
Israel a un seul Mazal (ici planéte), position qui nous semble dans l’esprit du judaïsme d’élection
Israel n’a pas un Mazal particulier mais est concerné par tous les astres, position qui nous apparait décalée par rapport
à un tel esprit. Ce serait donc bel et bien Rabbi Hanina qui exprimerait son scepticisme face à une astrologie qui tiendrait compte de tous les
astres et ce faisant il s’opposerait bel et bein à l’astrologie ici considérée alors que dans le reste du développement, aux fins d’illustrer
le Ein Mazal, on reconnait que les gens ont au départ un « destin » mais qu’il leur est possible d’y échapper s’ils sont pratiquants, ce qui
n’en reste pas moins une reconnaissnce d’une telle influence astrale si ce n’est qu’elle peut, sous certaines conditions, être neutralisée comme dans le cas de Rabbi Akiba. (p. 143)
Pour notre part, nous pensons que ce « Mazal » serait Saturne qui est justement l’astre associé au Shabbat, dont le nom est rendu
par Shabtaï en hébreu médiéval, le Samedi étant rendu par Saturday, en anglais. Israel ne renvoie pas selon nous au sort des individus mais bien plutôt à un destin collectif.
JHB
02 12 14
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