Le signifiant n’a pas à répondre du signifié
Posté par nofim le 22 décembre 2014
La disconnection signifiant/signifié. Pour une économie linguistique.
par Jacques Halbronn
Nous dirons que si l’on observe les choses d’un point de vue purement commercial – ce qui est une approche assez inhabituelle mais qui pourrait bien faire sens prochainement- il importe peu du point de vue d’un producteur de signifiants que l’on en fasse tel usage ou tel autre. Ce n’est que progressivement, selon nous, que tel signifiant aura été associé durablement à tel signifié et vice versa mais telle n’est pas l’idée d’origine. On a trop pris l’habitude de relier ces deux plans et cela se manifeste sur les plans divers non sans effets pervers, d’ailleurs.
Si l’on reprend nos exemples habituels, un « container » peut être rempli de cent façons différentes à moins que sa cargaison ne laisse des traces dans le « contenant » mais il faudrait y voir un accident de parcours comme lorsque l’on oublie un objet dans une valise par mégarde/ Il reste qu’en principe, le contenant -et donc le signifiant- doit se vider totalement pour pouvoir s’emplir à nouveau. Que dirait-on si une femme quand elle accouche d’un enfant avec un nouveau partenaire était marquée par sa grosses avec un précédent partenaire. Normalement, le contenant doit être nettoyé de toutes traces de ses usages et emplois passés.
La question qui se pose, au niveau linguistique, tient à ce lien devenu beaucoup trop marqué entre signifiant et signifié et qui est un signe de dysfonctionnement du point de vue technique, instrumental. Est-ce qu’un violon se souvient des précédents morceaux qui ont
été joués sur ses cordes?
Si l’on veut aborder notre domaine sous l’angle économique, il est clair que la production de signifiants doit être absolument dissociée de tel ou tel usage. Tout utilisateur peut recourir à un outil comme il l’entend, dans les conditions et le contexte qui sont les siens, en un instant T.
Si l’on prend le cas de l’économie des signifiants secrétés par la langue française tout au long de son histoire – en faisant abstraction
de la question de savoir dans quelles conditions l’exportation a pu s’effectuer et en s’en tenant exclusivement à la gestion de la situation telle qu’elle peut être observée actuellement, force est de constater que nombre de langues auront plus ou moins massivement « importé » des « mots » français. Certes, on nous objectera que ces mots auront été peu ou prou associés à des « signifiés » mais nous n’y verrons là que des exemples d’application qui n’ont qu’une portée contingente. Les importateurs ont toute liberté en effet pour en faire l’usage qu’ils jugeront bon d’en faire. En revanche, il ne saurait être question que ces usages restent à l’avenir « gracieux » . Ils seront
à l’avenir facturés, sans que les emplois qui auront pu être effectués de tel ou tel « mot » ait à entrer en ligne de compte. En tout état de cause, notamment, le fait que tel utilisateur de tel mot en ait fait un usage nouveau, inédit, ne saurait le dispenser de s’acquitter de ses dettes pas plus que le fait d’utiliser telle matière première de telle ou telle façon, aussi originale soit-elle, ne saurait exonérer en quelque
façon que ce soit de ce qui est dû au producteur.
C’est pourquoi nous entendons totalement dissocier signifiant et signifié. Pour un signifiant donné, on peut trouver un nombre infini
d’applications, c’est à dire de signifiés « accrochés au dit signifiant comme pour un porte manteaux un nombre infini de vêtements qui ont pu s’y suspendre. Celui qui se procure un outil peut en multiplier les usages à sa guise une fois qu’il s’est acquitté de ce qu’il doit
au producteur du dit outil, que ce soit d’un point de vue de location ou de propriété mais cette propriété ne saurait concerner que son droit à faire usage du dit outil mais certainement pas de s’en approprier la propriété intellectuelle voire même d’en faire commerce si ce n’est en termes de service comme quelqu’un qui aurait acheté un camion et amortirait son achat par les usages qu’il en effectue.
Laisser croire que tel signifiant est associé par essence à tel signifié doit être impérativement rejeté épistémologiquement. On pourrait y voir une sorte d’anthropomorphisme en rapport avec la notion de couple, dans une approhe monogamique. Or, l’outil par définition s’inscrit dans une logique polygamique et il importe de désenclaver la linguistique en l’intégrant au sein d’un ensemble qui est celui des outils en général en laissant de côté les usages qui en sont proposés par tel ou tel utilisateur. Le rapport signifiant/signifié ne saurait être considéré que diachroniquement – et donc anecdoctiquement – et non synchroniquement.
Cela dit, faudrait-il conclure de telles considérations que certains signifiés ne sont pas indissolublement liés à tel ou tel signifiant? Peut-on revenir sur certaines corrélations? Nous répondrons que tout est question d’ingéniérie. Si l’on ne dispose de l’ingéniérie nécessaire, la possibilité de changer de contenu restera probablement virtuelle. Notre humanité a une certaine liberté de manoeuvre dans un certain
nombre de domaines à commencer par ce qui reléve du domaine juridique . On peut cetainement changer la couleur d’une voiture mais on ne sait pas encore changer la couleur des yeux d’un enfant à naitre, par exemple. Notre aptitude au changement est tributaire de la présence de certains ‘ingénieurs » comme dans le cas de « juristes » aptes à réformer par exemple la constitution actuellement instaurée.
Dans le domaine linguistique, l’humanité a une certaine marge de manoeuvre si ce n’est que prévaut le plus souvent un certain
conservatisme qui tend à perpétuer tel lien entre signifiant et signifié. Mais il s’agit là d’un dysfonctionnement social qui ne saurait influer sur la théorie lingustique. Saussure aura été victime de cet obstacle épistémologique en entérinant un certain état de fait dans sa théorie au lieu d’élever le débat en relativisant le poids de la diachronie.
Selon nous, la nouvelle linguistique n’a pas à prendre en compte les contingences de la diachronie des usages. Un mot, quel qu’il soit, n’a aucune vocation à « porter » tel signifié plutôt qu’un autre pas plus qu’une femme à être fécondée par tel homme plutôt qu’un autre, la seule limitation étant la non compatibilité hors de l’espèce humaine -ou des paramétres d’âge bien évidemment/
En effet, si la linguistique devait s’encombrer de la question des signifiés ayant pu historiquement être associés à un signifiant donné – ce qui peut certes intéresser l’historien des mots et des textes- on se situe alors dans le cadre particulier d’une linguistique historique-
on rencontrerait toutes sortes d’apories, à savoir la façon dont on va décrire tel usage en se servant de divers mots (ou signifiants) pour ce faire, lesquels signifiants seront tout autant qu’ils sont autant d’outils à usages multiples.
On aura donc compris que de la même façon que les linguistes du XIXe siècle déclarèrent renoncer à traiter de la question de l’origine du langage, nous pensons qu’il serait sage pour la linguistique synchronique de faire abstraction des signifiés en se cantonant à la question des signifiants. On ne saurait notamment confondre la question des dérivations autour d’un même signifiant ( conjugaisons, déclinaisons, dérivations, affixations) et celle des signifiés. La première fait partie intégrante de la fabrication de signifiants tandis que la seconde ne saurait revêtir qu’un intérêt historique -certes passionnant mais ô combien aléatoire.
Il est fondamental de rétablir le primat du signifiant sur
le signifié. Le signifiant est masculin et le signifié féminin
et ce en dépit du fait que les femmes soient fécondées par les
hommes et soient « porteuses ». Cela s’explique si l’on admet
que comme il est dit dans la Genése, la femme est issue de
l’homme androgynal, qu’elle est en quelque sorte une
création de l’homme comme toute forme de machine. Il
n’est pas concevable par conséquent d’opposer le créateur )
sa création/créature. Une fois de plus, la confusion tient
au fait que l’on situe dans l’espace, la synchronie ce qui
reléve de la chronologie, du passage de la puissance à l’acte..
JHB
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