Jacques Halbronn La paternité contestée de Morin de Villefranche sur l’Astrologia Gallica
Posté par nofim le 4 août 2016
La paternité contestée de Morin de Villefranche sur l’Astrologia Gallica
par Jacques Halbronn
Claude Thébault a rédigé la notice Wikipédia consacrée à Jean-Baptiste Morin (natif de Villefranche en Beaujolais). Il soutient notamment que l’Astrologia Gallica n’est pas l’œuvre de cet astrologue,
professeur au Collége Royal ancétre de notre Collége de France. En réalité, son argument ne vaut que
pour un chapitre à caractère biographique et non pas pour le corps même de l’œuvre. S’il est intéressant
de dénoncer une éventuelle erreur dans le jour exact de la naissance, qui remettrait en question
l’approche astrologique qui est proposé dans cette « Vita » de la vie de Morin, cela ne justifie aucunement
de remettre en question la paternité de Morin sur cet ouvrage dont il traite déjà en 1654 dans ses
Remarques Astrologiques sur le Centilogue (cf nos travaux, 1975 Retz, 1993 , Trédaniel).
D’ailleurs, Thébault signale un ouvrage antérieur du dit Morin, sa
Response à une longue lettre de M. Gassend (…) touchant plusieurs choses
..de physique, astronomie, astrologie etc, datant de 1650 (chez J.
Lebrun) dans laquelle l’astrologue mentionne cette Astrologia Gallica tout comme il mentionne
les dites Remarques Astrologiques.
Or, Claude Thébault écrit dans l’un de ses articles consacrés à la question
« Morin n’est pas l’auteur du livre Astrologia Gallica paru à la Haye en 1661. Les auteurs sont ses héritiers, ainsi qu’il en est fait mention dans le Privilège Royal d’exploitation de mai 1658, figurant dans l’édition française de Vie de Morin parue en 1660. »
Il est d’ailleurs possible qu’une précédente édition ait existé. (cf infra)
. Thébault parle d’une « édition, remaniée, de l’Astrologia Gallica imprimée à La Haye » , la seule qui nous soit parvenue, parue en 1661, après sa mort.
(cf Claude Thébault CRITIQUE FONDAMENTALE DE L’ASTROLOGIE DE MORIN
© 2014 ASTROEMAIL polémique Gassendi Morin sur l’astrologia gallica
Reprenons le propose de Thébault:
« La principale critique argumentée, de l’œuvre maîtresse de Morin, paraissait en 1649, 12 ans avant sa publication. 1649 année où la rédaction des 26 chapitres, ou livres, était déjà terminée ainsi que Morin l’écrivit lui même. L’appréciation portée sur son travail est celle d’un connaisseur de l’astrologie, le mathématicien Gassendi. Il avait en effet, formulé en 1638, à Salon de Provence, une série d’observations pertinentes à propos des prédictions écrites de Nostradamus, sur l’horoscope d’Antoine Suffren, dont toutes les circonstances de la vie contredisaient les pronostics rédigés.
Voici le texte que Gassendi adressa à Morin et dans lequel est déjà
mentionnée le titre « Astrologia Gallica » :
« Or en premier lieu, je n’ai point du tout parlé, que je sache, de votre Astrologia Gallica, mais seulement de l’astrologie en général.(…) Cependant est digne de blâme celui qui condamne une chose qu’il n’a point vue, ou qu’il ne connait point.
Vous prenez finement l’occasion de dire que votre Astrologica Gallica n’est point jusque ici mise en lumière, et que jusqu’à présent je ne l’ai point vue. Pour avoir prétexte de me blâmer devant tous les sages, de ce que je nie, me moque et tiens pour des bourdes et des chimères, une chose que je n’ai point vue.
S’il est de bonne foi, ou non, de compliquer ainsi les matières du fait, et du droit, pour en tirer ces conséquences, je m’en rapporte. Mais quand j’aurais spécialement parlé de votre Astrologia Gallica, ce que je n’ai point fait, si ce n’est que vous vouliez dire qu’elle est comprise sous l’Astrologie en général, dont en général je me moque. Je crois avoir assez de raisons pour présumer qu’elle se trouvera aussi bien digne de moquerie que la Chaldaïque ou Babylonienne, que l’Egyptienne que la Grecque, que l’Arabique, que l’Italique, et toutes ces autres, lesquelles vous décriez vous-même, pour accréditer la seule Gallique votre chère engeance.
Ma présomption est fondée non seulement sur la connaissance générale que je puis avoir de ces choses. Mais encore sur de particuliers échantillons, que vous avez laissé voir de cette incomparable science. En second lieu, sur ce que pour faire mieux voir le tort que j’ai de la blâmer, vous me reprochez hautement que je n’ai jamais dressé ni jugé aucune figure céleste. Avouez que vous usez envers moi d’une hardiesse bien présomptueuse. Qui mériterait d’être repoussé par un célèbre démenti, si je pouvais obtenir de moi de faire le fanfaron comme vous. Mais me contentant de vous dire que cela est faux, je demande en même temps très humblement pardon à Dieu, de n’avoir autrefois employé que trop de temps après ces bagatelles. Il est vrai qu’il m’en demeure au moins cette satisfaction que j’en ai pour une bonne fois reconnu la vanité. Et que j’ai pris de là occasion d’appliquer mon esprit, et de donner mon temps à de plus solides, plus sérieuses, et meilleures choses. Et non seulement cela mais encore d’en avoir conçu un tel mépris, que j’ai toujours depuis eu en horreur de passer dans le Monde pour un diseur de bonne aventure, et eu pitié de moi-même, de ce qu’en ma jeunesse j’avais été si sot, et si faible que d’y avoir ajouté quelque fois. ….
« la maladie de poitrine qui me prit l’année dernière, et qui continue encore à me travailler, vous avez bonne grâce de m’en parler, maintenant que la chose est arrivée comme si vous n’aviez pas plutôt du me le prédire auparavant, si vous vouliez que je prisse cela pour une preuve de la perfection de votre science devineresse. Je ne sais certes, comment après vous avoir si souvent interpellé de me déclarer par avance quelque événement qui fut capable, sinon de me convaincre. À tout le moins de me rendre vraisemblable la certitude dont vous avez accoutumé d’assurer que vos prédictions sont accompagnées. Vous continuez de m’alléguer des événements ex post facto.
Lesquels vous savez bien que je ne prends point pour argent comptant, comme font ceux que vous embabouinez de votre artificieux caquet. Etant fort bien instruit de cette infinie et compliquée variété de maximes, qui fait que, quoi que ce soit qu’il arrive, l’on peut soutenir qu’il devait arriver, sinon par cette voie-ci, du moins par celle-là. Et ce qui est de considérable, que posent deux événements contraires, l’on trouvera parmi ce tripotage, que l’un et l’autre étaient prédits. L’importance serait, d’annoncer déterminément un événement qui fut à venir, et dont la cause ne fut point apparente. Tels qu’étaient il y a 6 ans ma vocation et mon acceptation pour ladite Chaire, ou la maladie contractée ensuite. Mais il ne vous a jamais été possible, ou si une fois, ou deux vous l’avez entrepris, il vous a très mal réussi. »
Thébault note: Les idées maîtresses de ce long texte se résument ainsi :
- Les astrologies, gallique ou étrangères, se ressemblent toutes les unes les autres. Aucune ne surpasse l’autre. La nationalité est sans incidence, dès lors que cela s’appelle astrologie. Peu importe l’habillage il s’agit de la même chose, car les fondements sont communs. Notamment en ce qui concerne la Française, au regard de ses applications pratiques, et de l’usage qu’en a fait son concepteur JB Morin. Un constat de fait.
Un second élément fonde l’affirmation de Gassendi, selon laquelle toutes les astrologies ne valent rien. Elles postulent TOUTES que la terre est immobile au centre du système solaire. Gassendi avait la preuve du contraire, que c’était le Soleil, à raison de ses nombreuses observations astronomiques, notamment depuis ses découvertes des lunes de Jupiter. Il prônait l’héliocentrisme par démonstrations de fait. En conséquence, il récusait par méthode, les corrélations symboliques basées sur une mécanique géocentrique. Morin, «géocentriste» convaincu mais sans preuves, éluda l’argument, incapable de comprendre sa portée. Gassendi formulait un concept d’opposition fondamentale de nature purement mécanique.
- Le critique, Gassendi, s’estime qualifié, connaissant l’astrologie par une pratique passée à partir laquelle il a formé son opinion sur les limites de cette discipline.
- Morin pratique l’astrologie en mode rétrospectif, après les événements. Reconstituant le passé après coup. Il est passé maître dans la technique consistant à faire coller le passé avec une histoire convaincante. Recours à la discipline narrative. Usage systématique du biais de confirmation et de la déformation rétrospective. Il entortille habilement ses interlocuteurs dans l’illusion de la prédiction à postériori. Incapable de travailler en mode prospectif. Ainsi que d’utiliser une discipline expérimentale. Ses rares essais se soldent par des échecs. Sa méthode d’astrologie gallique s’avère inapplicable en mode prolepse, car elle ne permet aucune prévision avant l’événement. En écartant les événements susceptibles d’être déduit à l’avance par la simple observation des modes de vie par exemple.
Ce à quoi Morin répondit ceci :
« Finalement, pour mon ASTROLOGIE que j’ai nommée Gallique pour honorer ma patrie, vous me faites pitié de la vouloir attaquer. Car étant si ignorant comme vous êtes, puisqu’elle n’est pas encore en lumière, & ignorant de l’astrologie en général, puisque vous la bafouez : qu’en pouvez vous dire que des sottises ? Aussi ne l’attaquez-vous pas par aucune raison, ni en votre grande lettre, ni en votre apologie, de peur de découvrir votre ignorance : mais seulement lui faisant la moue, & disant, que vous vous en moquez, & la tenez pour des bourdes, si elle est comprise sous l’Astrologie en général, Etant aussi bien digne de moquerie que la Chaldaïque, ou Babylonienne, ou Egyptienne, ou Grecque, ou Arabique, ou Italique. Lesquelles vous semblez estimer différentes.
Et faites tout de même que si quelqu’un se moquait de l’Astronomie de Tycho Brahé, par ce que c’est la même que celle de Copernic, d’Alphonse, & de Ptolémée, où il se trouvent de notables erreurs, ou bien croyait toutes ces Astronomies être sciences d’espèces différentes. Mais quand ce ne serait que pour le respect de Ptolémée qui a donné les deux sciences d’Astronomie et d’Astrologie, et qui a été si grand personnage, si honoré en son temps, & depuis ce vieux temps ; vous devriez parler de l’Astrologie plus modestement, et ne le point tenir pour un sot, de s’être amusé à des bourdes. »
- Vous ignorez de quoi vous parlez et ne dites que des sottises. Morin ridiculise la critique, la prenant de haut comme un affront personnel, au lieu de répondre au débat d’idée.
- Ce que vous dites de l’astrologie s’applique aussi à l’astronomie. Respectez les maîtres au lieu de dénigrer, vous qui n’êtes rien. Autrement dit une attitude aristotélicienne sur le mode « le maître a toujours raison » ou la formule aristoteles dixit. Ce qui prouve que Morin était intellectuellement limité, ayant atteint son niveau d’incompétence après sa nomination au Collège de France.
Morin laissa sans réponse la principale critique formulée contre sa méthode, celle de son impuissance prédictive. Il ne tint aucun compte de l’avis de Gassendi. Le dernier chapitre de son Traité intitulé « des interrogations et des élections astrologiques »comporte en exemple illustratif, en mode analepse, le cas du ministre Chavigny qu’il conseilla à titre de démonstration. Un plaidoyer sur le mode du passé. Nulle part, dans aucun de ses chapitres, l’Astrologia Gallica ne comporte d’anticipation du futur. Ni de prévisions relatives au régne personnel de Louis XIV qui débutait alors.
Ce qui explique, vraisemblablement, que la publication de son œuvre maîtresse s’accompagna de l’épisode mystificateur de sa fausse date de naissance[1]. L’éditeur, son exécuteur testamentaire, s’employa à faire coller la vie de Morin en mode de vérité officielle, arrangée, typique des Biographies des dictateurs du Xxe siècle, avec une fausse date de naissance, afin d’égrener des contrevérités, et des mensonges présumés, prédits par l’astrologie.
Quand de prétendus astrologues au XXe siècle, Jean Hieroz, et Henri Selva, tombent dans le panneau de la mystification Morin, se laissant grossièrement abuser. Cela prouve, autant leurs complaisances, par le survol rapide de sa théorie, que leurs absences de recul, leurs limites intellectuelles, et leurs carences critiques.
Idem du professeur d’Histoire, Hervé Drévillon, auteur de Lire et écrire l’Astrologie dans la France du Grand Siècle 1610-1715, s’apitoyant sur le pauvre Morin, décrit comme « le plus malheureux des hommes ». Egrenant les malheurs annoncés par sa date de naissance comme des réalités avérées, négligeant de vérifier préalablement l’authenticité de la pièce.
Tirant ensuite des larmes, à faire pleurer les crocodiles, sur le fait que Morin fut dans l’impossibilité matérielle, sous entendu financier, de publier son Astrologie Gauloise. Que n’a-t-il consulté les pièces de son testament, l’argent y était. Morin est mort riche. Les bornes du déplorable sont franchies avec le travail bâclé du professeur Drévillon, jusqu’au pitoyable. Contrairement à l’affirmation de Drévillon, l’histoire de Morin ne ressemble nullement à celle d’une « déchéance ». Morin vivait à Paris, en qualité de locataire de son logement, au fond de l’actuelle rue Rollin, 5e arrondissement de Paris, à l’angle de la rue du Cardinal Lemoine.
Après la vie falsifiée de Morin, en mode de vérité officielle, la Faculté nous sert l’histoire de Morin en mode révisionniste. Après tout ce n’est qu’une continuité…
[1] Astroemail 130 dans « Vie de Morin sans les Astres » apporta la preuve du registre des baptêmes selon laquelle Morin est né à une autre date que celle du 23 février 1583 qui est fausse. L’Astrologia Gallica a été réécrite post mortem afin de faire coïncider des événements fictifs de la vie de Morin avec cette date mystifiée de 1583. Autrement dit le déterminisme fabriqué de toutes pièces
Pour en savoir plus sur le Dossier Morin Astroemail 131
Claude Thebault : « Morin comment il trompa tout le monde » enquête spéciale documentée avec preuves et analyses critiques février 2014, Astroemail 130, http://www.astroemail.com
1] Astroemail 130 dans « Vie de Morin sans les Astres » apporta la preuve du registre des baptêmes selon laquelle Morin est né à une autre date que celle du 23 février 1583 qui est fausse. L’Astrologia Gallica
a été réécrite post mortem afin de faire coïncider des événements fictifs de la vie de Morin avec cette date mystifiée de 1583. Autrement dit le
déterminisme fabriqué de toutes pièces »
Autrement dit, sous prétexte que’un chapitre astrobiographique a été
rajouté, ce qui est souvent le cas (on connait le cas de Moïse dont le récit
de la mort dans le Pentateuque prouverait qu’il n’a pu en être
l’auteur), c’est carrément toute l’Astrologia Gallica qui aurait été
« réécrite »" Que ce chapitre soit sujet à caution, que sa
démonstration astrologique sur la base d’une date de naissance
douteuse puisse passer pour une escroquerie – mais cela peut tenir
à de l’ignorance- on voudra bien l’admettre. Mais de là à claironner
que Morin ne serait pas l’auteur de l’Astrologia Gallica parce qu’un
chapitre annexe ne lui serait pas imputable c’est aller un peu vite en
besogne.
Cela dit, s’il fallait prouver que c’est le corps même de l’ouvrage qui
aurait été réécrit, il conviendrait alors de comparer les extraits figurant en
1654 dans les Remarques Astrologiques (édition que ne connait d’ailleurs
pas Thébault qui ne cite que la réédition posthume de 1657, chez Pierre
Ménard alors que la première fut éditée chez l’auteur, à Paris. Drévillon
attribue à tort cette édition de 1654 à Ménard qui ne réalisa que celle de
1657:
Remarques astrologiques de Jean Baptiste Morin… sur le commentaire du Centiloque de Ptolomee, mis en lumiere par Messire Nicolas de Bourdin… Pour servir de fanal aux esprits studieux de la vraye & sublime science des corps celestes, qu’on nomme astrologie
/ A Paris, : aux despens de l’autheur, chez lequel on vend le livre ;
au fauxbourg S. Marcel, ruë du Puits de Fer, prés les Peres de la doctrine chrestienne , 1654
Dans cet ouvrage, il est clair que Morin y voit l’occasion d’un préambule à son Astrologia Gallica:
« Comme nous avons montré en l’Astrologia Gallica (lib. 20, sdect 3, cap 7): pour des raisons qu’il n’est pas nécessaire d’exposer en ces remarques » (p. 150 de notre édition de décembre 1975, Paris, Retz)
Morin publia en effet plusieurs travaux « à compte d’auteur » et c’est
pourquoi on ne saurait exclure une première édition de son
Astrologia Gallica de son vivant, dont les Remarques Astrologiques
reprennent des éléments en 1654 alors que son magnum opus n’était
pas encore paru. Mais on ne peut exclure une parution dans les mois
qui suivirent.
Selon Thébault, « Post Mortem, nous avons les preuves que l’Astrologia Gallica, écrite en 1649, fut remaniée, après le décès de Morin, et que ce travail, prit 5 ans. L’auteur de cette réécriture est connu : le secrétaire de la Reine de Pologne, Desnoyers, lequel intervint avec Tronson dans la publication, à la Haye, de l’Astrologica Gallica en 1661. »
Nous reproduisons ci après une étude que nous avions consacré sur
ce même site « nofim » en 2014 et dont Claude Thébault ne semble
pas avoir pris connaissance:
L’astrologia Gallica de Morin de Villefranche
Posté par nofim le 11 septembre 2014
Retour sur l’Astrologie Gallica de Morin de Villefranche par Jacques Halbronn
Nous avons trouvé à la Bibliothèque de l’Arsenal une notice manuscrite en tête de l’un des
deux exemplaires qui y sont conservés de l’Astrologia Gallica. C’est d’ailleurs, il y a plus de 40 ans dans
cette même bibliothèque que nous avions découvert les Remarques astrologiques du même
Jean-Baptiste Morin (2eédition 1657) qui furent republiées en 1975 dans la collection
Biblotheca Hermetica dirigée par René Alleau, ouvrage qui était resté ignorée de la vague
morinienne qui avait envahi la France depuis trois quarts de siècle (avec notamment
Henri Selva (alias Vlés), Jean Hiéroz (alias Rozières)
et d’autres qui leur emboitèrent le pas).
Cette page manuscrite nous informe notamment de ce que les 14 premiers « livres »
de l’Astrologia Gallica étaient parues avant la mort de l’auteur mais que les 12 autres furent retrouvés « dans ses papiers ».
Nous nous sommes demandé s’il n’y avait pas là en vérité deux volets assez distincts. Et en effet, il nous est apparu assez évident que la partie qui ne paraitra que de façon posthume est
Beaucoup plus marquée par l’astrologie que la partie qui fut probablement imprimée aux dépens de l’auteur, peu après donc la parution des Remarques Astrologiques (1654) dont Morin fut son
Propre éditeur alors que la seconde édition fut réalisée par
Pierre Ménard en 1657, après la mort de l’auteur survenue en 1656.
Il convient de s’arrêter sur le titre complet de l’ouvrage qu’il nous semble insuffisant de réduire
à ses premiers mots. Il importe en effet de compléter au minimum et désormais par un adjectif, qui est « stabilisata », que l’on traduira par « établie » (expression utilisée par Blaise de Pagan à la même époque)plutôt que rétablie.
Astrologia Gallica principiis et rationibus propriis
stabilita » et on proposera le sigle AGS pour désigner cet
ouvrage même si Morin même le désigne simplement dans
les Remarques par « Astrologia Gallica »
Le titre souligne le fait que l’ouvrage ne s’adresse pas aux seuls
Etudiants en Astrologie Judiciaire mais couvre bien d’autres domaines.
Le premier volet – c’est-à-dire celui qui comporte 14 « livres »- ne comporte aucun thème astral- on
disait à l’époque « figure céleste » pour désigner le dispositif des maisons astrologiques (dont traite
Blaise de Pagan).
L’auteur du feuillet biographique note: « Quand il mourut,
il n »avait fait imprimer que les 14 premiers livres. On trouva
les 12 autres dans ses papiers » Cela n’est pas sans nous
faire songer à la parution posthume des Centuries.
Alors que le second est truffé de « thèmes » en carré.
Nous pensons que le premier volet n’aborde qu’accessoirement
le savoir astrologique institué alors
que le second volet débute d’entrée de jeu par l’exposé
de celui-ci à savoir toute la panoplie du « petit astrologue »
Cela n’est probablemet pas le fait du hasard.
Cela dit dans les Remarques
Astrologiques, on trouve plusieurs dizaines de références
explicites et detaillées à l’Astrologia Gallica. Or, si l’on
admet -sur la foi du manuscrit- que les 14 premiers
Livres sont parus avant la mort de Morin, on doit donc
en conclure que lorsque parait en 1657 leur seconde édition,
l »Astrologia Gallica était déjà imprimée pour ce qui est des
premiers volumes, donc sans la partie proprement technique
comportant notamment moult »figures célestes » totalement
absentes du « premier » volet. Mais on sait que dans les
Remarques Astrologiques, les 26 « livres » étaient déjà prêts
puisqu’il y est fait référence abondamment..
Donnons ici les titres des livres du « second « volet qui
tranchent avec les généralités du « premier » – contraste
que l’on retrouvera chez Le Noble 40 ans plus tard, d’une
« apologie » à l’autre :
Pour Morin les Remarques Astrologiques sont bel et bien
le volet français de son oeuvre latine.
On notera que les deux volumes que nous avons publiés dans le cadre de
la Bibliotheca Hermetica en 1975 et 1977 traitent de la même problématique à
savoir les « fondements » et les « raisons » , termes dont se sert explicitement
Morin de Villefranche dans ses Remarques Astrologiques.
lesquelles se terminent en se référant aux « fondements
et raisons contenues dans l’Astrologia Gallica ».
Signalons que ces Remarques Astrologiques furent attribuées
à Nicolas Bourdin dans certaines biographies en raison de
l’ambiguité du titre.
On rappellera que la date de 1666 n’a eu aucune incidence sur le cours des
parutions astroogiques du moins jusqu »à la fin du siècle. En 1697, Eustache
Le Noble- donc 30 ans après l’édit de Colbert- son Traité de la Science Céleste, qui est
la dernière partie de son Uranie ou Tableau des
Philosophes, parue en 1697. Seul, cependant,
un des libraires de 1694 poursuivra l’entreprise, Jouvenel (Martin, rejoint par Georges).
Cela dit Le Noble, à l’instar d’un Kepler, entend adopter une posture mesurée et qualifie l’astrologie d’ »art
fautif & conjectural (..) fondé sur des convenances tirées
de quelques expériences.
Dans l »exemplaire Arsenal la Préface du vol III est intercalée entre V et VI
« ‘L’applaudissement que ces deux premiers volumes ont eu
me fait espérer que celuy ci sera reçu avec le même agrément
et si l’on doit mesurer le succès d’un livre à la curiosité qu’il inspire, la Philosophie céleste mérite plus que tout autre l’attache des curieux et
tendre un considérable à cette dernière partie »,
Or force est de constater que cet ouvrage de Le Noble fut sans
effet sur un certain déclin de l’astrologie en dépit de son
impact salué par un Pierre Bayle, quelque peu étonné. Morin
quarante ans plus tôt n’était pas parvenu à changer une
tendance défavorable. Il convient de s’interroger quant aux
raisons de tels échecs plutôt que sur les effets d’un mythique
édit que Colbert aurait décrété contre l’astrologie en 1666;
En bref, nous dirons que la réforme astrologique inaugurée
par Kepler au tout début du siècle aura fait long feu. Avec le
recul du temps, on perçoit mieux les carences d’un tel projet de
reconnaissance. Morin n’avait qu’une idée en tête, placer le
thème natal au centre de toute activité astrologique. C’était
à l’évidence imposer un boulet et Outre Manche William Lilly
allait en sens inverse entendant, dans sa Christian Astrology
-à laquelle l’Astrologia Gallica entendait répliquer ( rappelons
que Morin démarra son oeuvre dans les années 1620-1630)-
préconiser une astrologie dégagée du thème natal et empruntant
d’ailleurs-ironie du sort, à l’astrologue protestant Claude
Dariot de Beaune, pas très loin de Villefranche en Beaujolais
(cf notre étude chez Pardés 1990). L’étendue de la culture
de ces deux astrologues qui déborde largement du champ
étroit de l’astrologie ne sauvera pas la mise. Certes, à la lecture
de ces oeuvres monumentales, on pourrait croire que l’astrologie
est partie prenante d’une ensemble bien plus vaste mais ce
n’est là qu’un processus à sens unique comme ces
astrologues qui traitent de médecine dans leurs livres alors
que la réciproque n’est pas vraie. C’est un faux semblant!
Thorndike consacrera à l’AGS un chapitre entier de son History (XVI)
of Magic and experimental Science (vol VII): Morin’s
Astrologia Gallica. « Such is the book of Morin, a curious
collection of old and new, of progressive and backwards
view » (p; 490)
L’avantage des Remarques, c’est qu’elles font
connaitre la pensée de Morin en français et non pas en latin et jusqu’à
notre éditions de 1975 on ne connaissait son Astrologia que par le
biais de traductions de certains chapitres par les soins de Selva et de
Hiéroz.
On s’étonnera en outre que Thébault ne mentionne, ne serait–ce que dans
sa bibliographie nos différents travaux sur Morin, qu’il s’agisse
de notre adaptation en français moderne des Remarques (Retz 1977)
ou notre postface au Commentaire du Centilogue (sic) de Nicols Bourdin
Ed. Trédaniel La Grande Conjonction, 1993)
Or, à la suite de l’article paru sur Wikipédia, telle astrologue nous a
affirmé récemment que Morin était un auteur du XVIe siècle et que ce
qui était paru au siècle suivant était le fait de ses successeurs. Ce n’est
certainement pas ce que dit Thébault qui ne vise ici que l’Astrologia
Gallica mais tel aura été l’effet de son « scoop » quelque peu surfait et
surjoué.
JHB
Autres publications:
L’astrologie de Morin de Villefranche
Posté par nofim le 9 juillet 2014
Nouveaux regards sur la pensée astrologique de Morin de
Villefranche au prisme des pratiques actuelles.
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Jacques Halbronn
PIERRE GASSENDI ET L ASTROLOGIE JUDICIAIRE.
APPROCHE BIBLIOGRAPHIQUE » Colloque de Digne.
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in Gassendi et la modernité de Sylvie Taussig
Jacques Halbronn, Questions autour du texte sur l’éclipse de 1654 attribué à Gassendi …
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