jacques Halbronn Vers un passage de la francophonie à la francographie
Posté par nofim le 29 mai 2021
Vers un passage de la francophonie à la francographie
par Jacques E. Halbronn
Si nous avons insisté récemment sur la problématique du respect des codes de prononciation du français, il ressort que la référence à l’écrit évite une telle difficulté en ce sens que l’écrit apparaît comme une base plus fiable que l’oral si l’on entend décrire le champ propre à une langue. Inversement, trop insister sur l’oralité conduit à complexifier inutilement la perception de ce champ.
L’avantage de l’approche « graphique » sur l’approche « phonique » – rappelons la tendance « phonologique » de la linguistique contemporaine- tient au fait que cela permet de mettre en évidence l’impact de certaines langues par rapport à d’autres, ce que l’approche phonologique tend à brouiller, plus ou moins délibérément.
Le terme francophonie nous semble donc impropre en ce qu’il mettrait l’accent sur la langue « parlée » dont on a souligné le caractère aléatoire, du fait de la transmission assez chaotique des codes de prononciation de l’écrit. Cette diversité phonique est selon nous à assimiler au phénoméne des « dialectes » dont le nombre est quasi illimité si l’on tient compte de toutes les variantes possibles et imaginables sans parler des combinatoires avec d’autres langues chez telle ou telle catégorie de locuteurs ; Or ce qui nous intéresse ici ce n’est pas comment s’exprime ce locuteur mais son aptitude à accéder à la francographie. Ce n’est pas, notamment, parce qu’un « anglophone » recourt à des mots qui n’appartiennent pas au champ de la francographie que cela doit l’empêcher d’y avoir accès. Abondance de biens ne nuit pas. Ce n’est pas parce que tel locuteur africain pratique couramment une autre langue que le français ou parce qu’il prononce le français autrement que cela va l’empecher de comprendre le français écrit.
Il convient donc d’évacuer ce type d’argument dilatoire, de fin de non recevoir en se centrant sur ce que nous appelons la francographie. De la même façon, le fait d’utiliser un lexique français en recourant à une grammaire particulière doit être relativisé. Il importe en effet de se centrer sur un certain corpus lexical par delà les questions morphologiques et phonologiques qui se réduisent à quelques modulations somme toute superficielles mais qui suffisent à donner à telle ou telle pratique une apparence de différence à peu de frais qui risque de fourvoyer la description entreprise auprès de tel ou tel groupe de locuteurs.. Dans le cas de l’anglais, il est à souligner que les emprunts au français respectent très largement son « orthographe », et c’est précisément là un trait marquant qui sous tend le champ de la francographie.
On aura compris qu’avec ce concept de francographie, cela nous permet de ne pas segmenter le domaine d’influence du français comme d’aucuns seraient tentés de le faire alors même que la notion de francophonie peut faire l’objet de débats interminables n’échappant pas à un certain normativisme phonique. De fait, le français affirme sa présence dans des environnements linguistiques des plus variés -anglais, allemand, flamand, arabe dialectal, russe etc -et il comvient évidemment de s’en tenir à une approche de reconnaissance « graphique ». Cela suppose que nous admettons qu’un locuteur face à un texte donné mobilisera le corpus approprié et adéquat en mettant de coté les informations inutiles comme la connaissance de synonymes issus d’autres sources .Que l’on ne vienne pas nous dire qu’un anglophone sera incapable de déchiffrer un texte écrit en français sous prétexte qu’il dispose d’alternatives extérieures au français. Selon nous, l’anglophone en question puisera dans les données utiles dont il dispose et ne s’encombrera pas de ce qui ne lui sert pas ! En effet, le bagage linguistique d’un locuteur -englobant toutes les pratiques dont il peut avoir connaissance ne saurait être décrit comme d’un seul bloc. Certes, quand ce locuteur s’exprime au sein de tel ou tel groupe, il sera conduit à panacher son usage langagier pourvu que cet usage soit partagé par un groupe donné. En revanche, face à un texte écrit, qui laisse de côté les variantes phoniques, le dit locuteur utilisera spontanément les seules données qui s’avèreront utiles pour se faire une idée du message proposé. C’est là une gymnastique à laquelle il devra se plier et qui se pratique constamment en toute circonstance. Il faudra d’ailleurs distinguer entre le lexique que tel locuteur utilise pour s’exprimer et le lexique bien plus vaste que ce locuteur exploite pour comprendre les messages d’autrui . Voilà pourquoi, il ne faut pas se fier à la façon dont une personne s’exprime car cela ne rend nullement compte de son aptitude à entendre ce à quoi il peut être exposé. Parfois, l’on conclut en écoutant quelqu’un parler qu’il comprendra forcément tout ce qu’on lui dira alors qu’en réalité, son bagage est très limité et inversement, un locuteur recourant à un langage assez primaire n’en sera pas moins capable, en pratique, de capter des formes plus sophistiquées de la dite langue tant à l’oral qu’à l’écrit et plus aisément à l’écrit qu’à l’oral. Car à l’oral, et notamment en français, le mode de prononciation utilisé par tel interlocuteur peut « dépayser » alors que l’écrit ne poserait pas de problème d’identification. En ce sens, l’on comprend que l’écrit ne saurait céder devant l’oral en raison même de la difficulté de la communication orale en dehors d’un groupe limité de locuteurs partageant une même pratique. Le passage par l’écrit permet ainsi aux interlocuteurs de dépasser les limites de leur groupe d’appartenance.
En ce sens, pour en revenir à la francographie, mais notre propos pourrait aisément s’appliquer à d’autres cas de figure, la dimension proprement phonique devrait laisser la place à une relation graphique ou en tout cas passer par une « traduction » graphique. Chaque locuteur verrait sa « parole » rendue par écrit – en recourant à un logiciel de reconnaissance convenant à son cas.
Dans l’échange, chacun parlerait à sa façon et l’interlocuteur se verrait proposé un certain matériau écrit qu’il lui faudrait traiter au mieux et à partir de là le dit interlocuteur répliquerait à sa façon et ainsi de suite.
JHB
28 05 21
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