Pour une culture de proximité
Posté par nofim le 2 décembre 2013
La culture et la présélection
Par Jacques Halbronn
L’essor d’Internet aurait dû permettre de passer par-dessus la tête de certains intermédiaires notamment dans le domaine culturel. Mais force est de constater que dans la plupart des cas, le public n’exerce son choix qu’au travers de pré-sélections, ce qui correspond à des choix de seconde main (second hand). à une culture, à des loisirs sous tutelle.
Qu’est- ce au vrai que cette « civilisation des loisirs » ?
Au lieu donc de faire son choix parmi des projets non encore présélectionnés par les éditeurs, les médias « reconnus » les organisateurs de concerts, le public a l’illusion de « choisir » en se limitant à ce qui est déjà mis en place, donc présélectionné alors même qu’il a largement accès à un ensemble de possibilités bien plus vaste. Cela explique pourquoi les anciennes structures culturelles auront perduré depuis des décennies en dépit d’un accès infiniment plus vaste à toutes sortes de productions. On évoquera certes l’infinité même de ces choix comme excuse. Il faudrait donc laisser à quelques responsables la responsabilité d’éliminer ce qui n’a pas à être montré, écouté, apprécié en un temps où les gens revendiquent une « égalité », refusent prétendument toute hiérarchie. Le choix qu’on leur laisse fait illusion.
Voilà pourquoi, il nous semble important que toute personne qui se pique de culture en tant que «consommateur », « spectateur », prenne la peine de découvrir des œuvres qui n’ont pas encore été « sanctionnées » par tel ou tel intermédiaire et qu’ils puissent peser davantage sur les choix, sans que l’aspect financier et « professionnel » ne pèse de tout son poids et vienne fausser le jeu. C’est ainsi, il y a une quinzaine d’années que nous pensions que les choses allaient évoluer et nous avons été déçus par ce qui s’est passé dans les faits, ce qui correspond à une médiocrité du niveau du public qui se contente de valider et d’entériner les choix de la « profession », même s’il opéré un choix parmi ces choix prédéterminés .
Il serait bon notamment pour répliquer à l’argument de l’infinité des choix de s’intéresser tout simplement aux personnes que l’on côtoie, celles de notre voisinage, en multipliant les « scènes ouvertes », comme cela se pratique dans les « squats ». On peut parler d’une culture de voisinage, de vicinité, de quartier avec des concours permettant de faire remonter l’information, un « prix » du public et pas seulement des « critiques » ou des « agents »..
Il y a une médiocrité dans la médiocrité. Qu’au moins ceux qui ne sont pas des créateurs au sens premier du terme, se révèlent capables de faire connaitre ceux qui le sont, même s’ils les copient ou les plagient, ce qui est encore préférable à une certaine passivité liée à cette présélection que nous réprouvons. De même que nous regrettons, dans le domaine musical, que les interprètes ne puissent jouer que des œuvres qui ont été retranscrites au lieu de les reproduire, même imparfaitement, par eux-mêmes. Entre le compositeur et l’interprète de partition, il y a certainement place pour des personnes qui sont capables de transcrire une œuvre, de l’arranger, de la perfectionner, dans un travail collectif. Il y aurait là une toute autre dignité pour les non-créateurs. Tout interprète qui se respecte devrait avoir appris à transcrire ou tout simplement à reproduire à l’oreille, sans se réfugier derrière l’obligation de respecter exactement ce qu’a voulu le créateur. Un tel fossé n’a pas de raison d’être et l’interprète qui se cantonne dans des partitions déjà existantes se rabaisse. Mais a –t-il même été formé à faire ce que nous préconisons ? Ne l’a-t-on pas formaté pour être une machine à lire des partitions puis à les mémoriser (le « par cœur ») pour faire illusion ?
D’ailleurs, on voit bien que ce faisant, celui qui se rapproche ainsi des créateurs peut plus facilement en devenir un du fait qu’il n’y a pas cet écran médiatique qui place ce qui a été présélectionné sur un piédestal ? Nous avons toujours dit que toute culture devait déboucher sur une forme de création ou en tout cas de recréation (récréation ?)
Nous avons condamné cette muflerie chez les femmes qui confine à l’infidélité et qui se manifeste dans une indifférence à ce qui se passe dans leur entourage, dans leur proximité. Cela tient à cette illusion selon laquelle les femmes n’ont pas à être à l’écoute de leurs proches, ce qui serait mauvais pour leur rapport de forces. Dès lors, elles préfèrent s’intéresser à des œuvres lointaines dans le temps et dans l’espace, ce qui ne compromet pas leur position personnelle. Selon nous, toute femme devrait s’intéresser à ce qui se passe dans sa famille, être à l’affut de talents, ce qui est une approche plus féconde de la vie culturelle et qui détermine une véritable convivialité. S’il est assez naturel qu’un créateur soit focalisé sur son propre travail, il serait sain que ceux qui n’ont pas cette faculté la reconnaissent autour d’eux, quand bien même auraient –ils l’impression d’une qualité moindre. au « fait maison » (home made). Ce qui permet un rapport plus humain à la création et ne peut avoir que des effets bénéfiques pour les enfants qui assistent au processus de création de l’intérieur. Il devrait y avoir ainsi une sorte de parallèle entre création et procréation. Dans le domaine de la procréation, cette proximité est respectée, elle ne l’est guère –ou elle est niée sous quelque prétexte- dabs celui de la création. Or, un créateur aussi est « porteur » d’une œuvre et voué à un certain accouchement. C’est donc bien, en dernier instance, la vie du couple, de la famille, de l’immeuble, du quartier qui est en jeu, qui est concernée par notre façon de traiter, de maltraiter souvent, le fait culturel, sans oublier certaines considérations d’ordre social, en ce qui concerne notamment la prise en charge matériel. On pourrait ainsi envisager des « maisons de la culture » qui comporteraient une partie habitation pour les « artistes » en résidence. Et on ne peut que constater qu’en ces temps de chômage, y compris sous la forme de « retraites » (qui sont un chômage déguisé), on ne joue pas mieux la carte de la contrepartie culturelle, notamment en province, ce qui implique de prendre quelque distance par rapport aux médias. Nous prônons une culture de proximité, locale, et non une culture distanciée qui vienne d’un ailleurs et d’un autrefois.
JHB
02 12 13
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