Autour de l’Astrologie Grecque de Bouché-Leclercq (1899)
Posté par nofim le 26 juillet 2014
Hommage à la méthodologie historique de Bouché-Leclercq ( Astrologie Grecque, 1899)
Par Jacques Halbronn
On a souvent l’impression que les astrologues rechignent à expliciter les dispositifs dont ils se servent. Que ces dispositifs demeurent obscurs quant à leur organisation les arrangerait plutôt. Pis encore, si les dispositifs sont restitués à leur agencement initial car cela prouverait deux choses, à savoir qu’ils ont utilisé et cru pouvoir valider des systèmes qui étaient corrompus et qui plus est dont l’articulation avait été initialement fort simple.
Nous avons une certaine dette envers l’auteur de l’Astrologie Grecque, ouvrage réédité en Belgique, dans les années soixante. (Culture et Civilisation, 1963). Nous en citerons quelques passages qui font écho à notre propre approche :
Qu’est- ce que l’histoire de l’Astrologie ? « L’histoire de « la formation de ses dogmes »/
« On ne perd pas son temps à rechercher à quoi d’autres ont perdu le leur » (Préface)
« Remonter vers les origines jusqu’à ce que l’on retrouve l’état d’esprit ou ce qui est devenu plus tard inintelligible ou déraisonnable était le produit d’un raisonnement simple, parfaitement
intelligible pour l’exposition, à refaire en sens inverse le chemin parcouru »
« Les superstitions sont des survivances dont on ne comprend pas la raison d’être mais qui ont été
en leur temps et par un point de suture que l’on peut souvent retrouver, fort raisonnables »
« comprendre et même surprendre en flagrant délit d’inconséquence » (p. 202)
Nous ajouterons que les premiers astrologues ont certainement voulu constituer des dispositifs
Parfaitement cohérents et réguliers et c’est ce qui nous permet d’ailleurs de les reconstituer à partir de ce qui nous en en est parvenu en fort mauvais état. C’es t ainsi qu’Auguste Bouché-Leclerc nous retrace la façon dont on a « doublé » les domiciles, (p 187), dont on a établi « huit lieux » puis douze (p. 278), dont on est passé de trois (diamètre (180°), trigone (120°), tétragone (90°) à quatre aspects par « doublement du trigone, doublement qui donne l’hexagone ou aspect sextil » (p. 166), soit 60°.
Il note que Manilius tient sur les Dignités un autre discours qu’un siècle plus tard la Tétrabible, sauf dans le cas des domiciles de Mars et de Vénus. Il signale que Ptolémée donne les exaltations mais pas les degrés qui normalement sont signalés car il s’agit d’un « thème » bien que l’on voie mal comment
Mercure pourrait être exalté en vierge avec un Soleil en Bélier, vu qu’il ne s’éloigne pas du soleil de plus de 28° (élongation), vierge qui est aussi un des deux domiciles de Mercure, ce qui fait un peu désordre.
On ne se pose jamais assez de questions, au demeurant : cela ne fait que depuis peu que nous nous sommes interrogés sur la possibilité de restituer un ordre logique des maisons astrologiques. Depuis peu, également, nous avons noté que les domiciles des luminaires qui servaient d’axe de symétrie ne coïncidaient pas avec l’axe solsticial, pas plus que leurs exaltations avec l’axe équinoxial. Depuis peu que nous avons préconisé de permuter les positions des luminaires avec celles de Saturne ou de prendre comme point de départ des maisons le descendant et non l’ascendant tout comme placer l’Aigle au printemps et non à l’automne (avec le Scorpion). Depuis peu que nous nous sommes aperçus de l’importance à accorder aux signes masculins et féminins pour comprendre pourquoi l’on classe les aspects en deux catégories. Or, il revient à l’historien de l’astrologie de (se) poser de telles questions car cela lui permet de progresser plus en amont.
Il faut surtout éviter de se dire que nos ancétres n’avaient pas un souci de logique quand ils établissaient des sytémes, à commencer par des langues avec leurs grammaires. A partir de là, tout manque de logique doit nous alarmer, nous alerter sur l’existence d’un élément perturbateur. Il est certes tentant de mettre de telles incohérences sur le compte d’observations empiriques mais nous sommes persuadés que dans le cas de l’astrologie, l’impulsion reléve avant tout de la volonté de projeter des systémes. Si l’astrologie ne pouvait s’ancrer sur des observations comme l’astronomie, au moins devait-elle être en mesure de s’offrir des agencements offrant une certaine esthétique et c’est cette esthétique qu’il incombe à l’historien de l’astrologie de restituer. Certes, il va ainsi se heurter à certaines pratiques astrologiques qui prétendent valider les dits dispositifs tels qu’ils nous sont parvenus.
Tout indique, en dépit de certains déséquilibres, que le savoir astrologique se voulait aussi cohérent que possible et d’ailleurs les astrologues ne se privent pas, quand cela les arrange, de le déclarer. Il est clair que la répartition des 4 Eléments entre les 12 signes s’effectue selon un ordre incontestable, que les doubles domiciles offrent une certaine symétrie associée avec le respect de l’ordre astronomique des astres. Mais, quand cela ne les arrange pas, quand ils ne trouvent pas d’explications comme c’est le cas pour les exaltations, alors on nous déclare qu’il n’y a rien à changer ni à comprendre, qu’il suffit d’appliquer et de voir que ‘ça marche ». Deux poids, deux mesures !
Mais le pompon revient certainement aux maisons astrologiques. N’importe qui s’apercevrait que l’ordre des maisons ne tient pas debout – Ptolémée lui-même n’en aurait certainement pas voulu quand on sait comment il prend la peine d’expliquer dans quel ordre il entend traiter les différents domaines de l’existence. C’est la loi du silence. On ne bronche pas. On ne cherche même pas à s’en expliquer alors même que tout le savoir astrologique semble converger vers ces 12 significations qui ont le mérite de traiter de questions bien précises, échappant à toute forme de symbolisme. Les maisons sont la plaque tournante de tout le discours astrologique puisque, comme on l’ a montré ailleurs, les domiciles des planètes permettent de connecter les maisons entre elles par le biais des « maîtrises ». (maître de III en VI et ainsi de suite). Il suffirait pourtant de rétablir un ordre
« raisonnable « des maison, en prenant modèle sur les livres III et IV de la Tétrabible de Ptolémée.
Il est bien difficile d’être à la fois astrologue praticien et historien de l’astrologie et cela donne rarement de bons résultats tant l’investigation historique est bloquée, inhibée par une pratique qui serait minée par certains questionnements.
Bouché-Leclercq lui-même nous apparait bien pusillanime dans l’application de son programme de recherche, à la fin du XIXe siècle. Il n’a pas compris que l’histoire de l’astrologie devait jouer un rôle pilote et non pas être à la traîne de l’histoire de l’astronomie. En fait, il est temps que les historiens de l’astronomie cessent d’imposer à l’histoire de l’astrologie certains postulats. Avec l’astrologie, on peut remonter plus avant notamment en ce qui concerne l’histoire du Zodiaque, comme l’a fait Wegener avec la tectonique des plaques. Selon nous, une inversion du Zodiaque s’est produite à une
époque très reculée (cf ce que nous avons dit plus haut sur l’aigle, signe de printemps et non d’automne, à l’origine, comme un avion qui ne prend l’air que lorsque le ciel s’éclaircit) Et rappelons aussi que selon nous, le signe de la balance constitue un ouroboros, un Janus, qui indique que le début du Zodiaque se situait bien à l’automne et non au printemps.
JHB
26. 07. 14
Publié dans ASTROLOGIE, HISTOIRE, LINGUISTIQUE, symbolisme | Pas de Commentaire »