L’astrologie de Morin de Villefranche
Posté par nofim le 9 juillet 2014
Nouveaux regards sur la pensée astrologique de Morin de
Villefranche au prisme des pratiques actuelles.
par Jacques Halbronn
Nortre premier livre publié, fin 1975 fut consacré aux
Remarques Astrologiques de Jean-Baptiste Morin (dit de
Villefranche parce que né à Villefranche en Beaujolais (sur
Saône). Nous avions rencontré à cette occasion en 1972
André Barbault qui habitait alors près de chez notre mère, dans
le quartier des Ternes (Paris XVII) et qui ne le connaissait
pas. D’ailleurs malgré l’intérêt que l’on portait à Morin depuis
la fin du XIXe siècle avec Selva puis Hiéroz, on nous présentait
toujours cet astrologue en traduction du latin, en extraits
de son énorme Astrologia Gallica parue (1661) après sa mort.
Nous avions découvert cet ouvrage à la Bibliothèque
Nationale dans sa seconde édition de 1657, la première ayant
été publiée par Morin lui-même en 1654, peu avant sa mort.
(on trouve notre édition sur Internet)
Prétons-nous à un exercice de relecture de cet ouvrage (en 1993
il y a donc 20 ans nous publiâmes chez Trédaniel l’ouvrage
commenté par Morin de Nicolas Bourdin, le traducteur de la
Tétrabible en français (1640) et qui était lui-même un
commentaire du Centiloque, dont l’attribution à Ptolémée
a notamment été contestée par Richard Lemay. Notons que les
deux hommes se connaissent de longue date (cf aphorisme
98): « Il y a plus de quinze ans, où nous nous voyions
fréquemment chez monsieur le comte de Pagan pour
discourir d’astrologie ». Cela renvoie au début des années
1640 et nous fait songer aux réunions et colloques
astrologiques qui se tiendraient 300 ans plus tard, à Paris
ou ailleurs. On pense à une sorte d’académie astrologique
à l’époque où se fondait l’Académie Française puis en 1666
celle des Sciences.
On s’intéressera tout particulièrement à la querelle autour
des aspects qui est au coeur de nos préoccupations actuelles.
Il y a 100 aphorismes ‘(d’où le nom de Centiloque) donnés
en latin (donc déjà traduits de l’original grec par Pontanus)
puis traduits et commentés en français par Bourdin., ce qui
est une double cause d’erreur, signale Morin (1583- 1656)
Morin met sur le compte du Diable les prévisions individuelles
qui se réalisent. »Par la science (l’astrologue) n’arrivera pas jusqu »à
prédire assrément les choses particulières et individuelles
avant leur réalisation.Il en prédira , par conjecture, seulement
le genre et l’espèce » Cela n’empêche pas Morin de se vanter
d’avoir prédit la mort de Gustave, roi de Suéde en en faisant
part à Richelieu. Morin se référe fréquemment à son Astrologia
Gallica non encore parue. On note qu’il refuse de dresser
un thème horaire, pratique alors courante Outre Manche
(cf William Lilly et sa Christian Astrology toute d’astrologie
horaire). En parlant des Arabes, Morin exprime quelque
doute sur l’attribution du Centiloque à Ptolémée (cf
Aphorisme XIV). On a cependant parfois l’impression
que lorsqu’il est d’accord avec le texte ce soit du Ptolémée
et quand il n’est pas d’accord cela n’en soit point!
Morin refuse l’idée selon laquelle l’astrologie aurait été
constituée par les hommes, il veut y voir la main de Dieu.
(aphorisme XVIII) « C’est Dieu et la Nature qui ont fait
ces divisions.Il est bien vrai que les hommes les ont
reconnues en la Nature comme ce serait folie de dire
que les hommes ont fait les sept planètes pour les avoir
reconnues » Précisons que sur ce point , nous sommes du côté
du Marquis de Villennes (alias Nicolas Bourdin) quant à
la genése du savoir astrologique. « C’est donc Dieu qui les
a faites et qui en a donné la science infuse au premier
homme »
Morin se fait l’avocat de ce quinconce et du semi-sextile (30°)
mis de côté par Ptolémée et Ibn Ezra »
Morin défend la primauté du Bélier qui correspond à la
tête.
Morin interrompt son commentaire par un Avertissement
consacré aux alarmes liées à l’éclipse de 1654 à laquelle
Elisabeth Labrousse conscra en 1974 un ouvrage (l’Eclipse
de Saturne au Lion) Nous avons traité de ce passage
ailleurs dans le cadre d’un collectif sur Gassendi.
Abordons à présent ce que Morin dit des étoiles fixes
auxquelles il ne semble pas vouloir renoncer, ce en quoi,
selon nous, il a bien raison à l’encontre de l’attitude de
la plupart des astrologues actuels:
« La grande difficulté écrit Morin (sur l’aphorisme XXVIII)
est de savoir choisir une étoile fixe qui soit mélangée des
natures des deux planétes dont on a besoin »
On rappellera à cette occasion que les étoiles sont mises
en correspondance avec certaines planétes mais il s’agit là
d’un rapport purement virtuel qui ne correspond pas à la
réalité du ciel.
Une seconde fois Morin interrompt son exposé par un
Avertissement, cette fois consacré à un nouveau
systéme de domification, en avant première de la sortie de son
Astrologia Gallica à laquelle il ne cesse de se référer bien
que non parue. Morin divise le monde en deux : les unes
ennemies et tout à fait ignorantes de l’astrologie et les
autres amateurs de l’astrologie mais attachées à de
fausses méthodes de la division du Ciel en douze maisons »
Ibn Ezra aussi au XIIe siècle entendait réformer le systéme des
maisons. En Italie, le moine Placide de Titis prépare alors un
systéme dont la fortune sera considérable jusqu’à nos jours.
On note que Morin ne s’interroge pas sur l’ordre de
numérotation des maisons. Il chicane Bourdin adepte
des maisons égales.(cf aphorisme 100 et conclusif)
Rappelons que le mode de domification affecte les pointes
des maisons et donc a des effets sur les prédictions à base
de directions primaires. C’est en fait le principal enjeu
comme s’en explique Placidus que d’améliorer l’outil
prévisionnel de l’astrologue. Morin s’en prend notamment
à Cardan : « Qu’il (Bourdin) se souvienne donc de Cardan
lequel s’était opiniâtré l’espace de trente ans sur la façon
égales de domifier selon laquelle il a jugé mal à propos
cent nativités qu’il a fait imprimer (et qui) fut enfin
contraint de la quitter (…) pour se ranger à la rationnelle
selon laquelle il a jugé douze nativités à la fin de son
Commentaire sur le Quadripartit entre lesquelles est la
sienne propre de laquelle il ne pouvait trouver
satisfaction par la voie égale » (‘Aphirisme 100)
Morin semble se passionner pour l’astrologie médicale et
l’on rappellera que ce fut sa première formation que la
médecine.
A l’occasion de l’aphorisme LVIII Morin expose sa
conviction, pertinente au demeurant sur la paternité du
Centiloque « Ce qui fait bien voir que l’auteur du
Centiloque n’est pas l’auteur du Quadripartit (c.a .d La
Tétrabible) » Morin conteste Kepler dont il semble donc
connaitre l’astrologie(cf notamment l’aphorisme 99)..
Morin propose (LIV) sa propre méthode d’astrologie questionnaire:
« Il ne faut point faire de figure(cad le thème)pour le temps
de la question mais résoudre la question proposée
par les figures de la nativité, et de la
révolution du soleil et de la Lune »
Morin préfére la révolution solaire annuelle ou la révolution
lunaire mensuelle que le thème horaire vu que les révolutions
se référent ipso facto aux positions des luminaires à la
naissance, ce qui semble être le socle de tout le travail
astrologique selon Morin. Cette position va dans le sens
de la pratique astrologique actuelle qui tend à tout baser
sur le radix et sur le retour des planétes sur leur position
natale.
Morin (aphorisme 74) aborde la question des indicateurs
fournis par le thème natal » Monsieur de Villennes dit
« avoir vu des personns qui avaient Mars en l’Ascendants
sans cicatrice ni autre marque » (…) Mais il devrait dire
qu’il les a vu mourir sans cicatrice car à moins de cela il ne
sera pas cru à nier l’aphorisme »
Autrement dit, on ne peut juger des promesses d’un thème
qu’à la fin de la vie, quand tout est terminé, pas avant.
A l’aphorisme 81, on revient sur les différences d’opinion
quant aux méthodes prédictives au sein du milieu
astrologique du milieu du XVIIe siècle:
« Monsieur de Villennes ne rejette pas les figures des
interrogations comme il rejette celles des révolutions qu’il
appelle sur l’aphorisme LVXXXVII par moquerie « le pain
quotidien des astrologues affamés ». Moi,tout au contraire,
précise Morin, je rejette tout à fait celle des interrogations
et approuve tout à fait celles des révolutions » Ajoutons que
Morin est un adepte des directions bien plus que des
transits sur le thème, ce qui rejoint les positions acfuelles
d’un Roger Héquet (Astrochronobiologie, ed Dervy).
Morin s’en prend aux astrologues arabes qui « ‘ont abusé
(..)par avarice, jugeant des élections et interrogations sans
avoir le plus souvent la figure natale. C’est à dire qu’ils
ne refusaient aucune pratique ni occasion de gagner, soit
avec nativité soit sans nativité », Ailleurs (aphorisme 94),
Morin résume ainsi sa pensée: pas d’interrogation « sans
fondement radical » (du thème natal)
A propos des révolutions, notons ce principe posé par Morin
(et repris par Volguine dans sa Technique des révolutions
solaires) : « Les révolutions doivent être dressées pour le
lieu où la personne est quand la révolution commence »
Il y a débat entre Morin et Bourdin sur la signification de
tel aphorisme ( LXXXVIII) , Bourdin comprenant le mot
révolution « pour les révolutions générales du Soleil au
début d’Aries » (cad Bélier)
Morin s’en prend aux maisons que l’on appelle de nos jours
« dérivées », en prenant pour point de départ telle ou telle
maison du thème natal pour constituer en quelque sorte le
thème d’autres personnes (aphorisme LXXXIX) et il juge
que ce n’est pas du Ptolémée
Morin semble (ce que reprendra Rudhyar) préconiser
(à travers Ptolémée) qu’on ne doive »juger sans avoir vu la figure de la
dernière nouvelle Lune qui a précédé la maladie »
..Et Morin de conclure ses Remarques Astrologiques en
rappelant la prochaine sortie de son Astrologia Gallica si bien
que ses adversaires sont invités à en attendre la publication
avant de réagir à ses propos. On sait que ce n’est qu »en 1661
que l’ouvrage paraitra-à La Haye- non pas en français comme
les Remarques mais en latin, ce qui aura fait de Morin
un auteur que l’on ne connnaitrait en français non traduit
qu’avec notre réédition de 1974.
JHB
09. 07 14
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